Votre âme est une enfant que je voudrais bercer
En mes bras trop humains pour porter ce fantôme,
Ce fantôme d'enfant qui pourrait me lasser,
Et je veux vous conter comme un bon Chrysostome
La beauté de votre âme aperçue à demi
Autant qu'on peut voir une monade, un atome.
Votre âme est dans la paix comme cloître endormi.
Des larrons useront de plus d'un stratagème
Pour ouvrir le portail qui forclot l'ennemi.
Et l'un venant de droite avec la claire gemme
L'offrira de dehors à votre âme en dedans;
Un autre, le sinistre, alors s'écriera: «J'aime!
J'aime la paix des soirs qui sont des occidents,
Dans un cloître aux échos longs comme ma mémoire».
Et contre le heurtoir il brisera ses dents.
Votre âme est un parfum subtil dans une armoire,
Votre âme est un baiser que je n'aurai jamais,
Votre âme est un lac bleu que nul autan ne moire;
Et l'on dérobera le parfum que j'aimais,
On prendra ce baiser dans un baiser trop tendre,
On boira dans ce lac où l'eau, je le promets,
Sera douce et très fraîche à qui saura s'étendre
Au bord du lac et boire comme une fleur d'eau,
Etre au lac de votre âme, homme fleur, ô l'anthandre!
Votre âme est une infante à qui c'est un fardeau
Que porter le brocart de sa robe et sa traîne.
L'infante aux yeux ouverts qui veut faire dodo.
Votre âme est une infante à l'ombre souveraine
Des cyprès à l'instant où les rois vont passer,
Votre âme est une infante et qui deviendra reine,
Votre âme est une enfant que je voudrais bercer.