Лирика. Т. 2: Стихотворения, 1815-1873 (Тютчев) - страница 45

5 Mais le temps suit son cours et sa pente inflexible
A bientot separe ce qu'il avait uni, –
Et l'homme, sous le fouet d'un pouvoir invisible,
S'enfonce, triste et seul, dans l'espace infini.
Et maintenant, ami, de ces heures passees,
10 De cette vie a deux, que nous est-il reste?
Un regard, un accent, des debris de pensees. –
Helas, ce qui n'est plus a-t-il jamais ete?

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* * *

Que l'homme est peu reel, qu'aisement il s'efface! –
Present, si peu de chose, et rien quand il est loin.
Sa presence, ce n'est qu'un point, –
Et son absence – tout l'espace.

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Un reve

"Quel don lui faire au declin de l'annee?
Le vent d'hiver a brule le gazon,
La fleur n'est plus et la feuille est fanee,
Rieh de vivant dans la morte saison…"
5 Et consultant d'une main bien-aimee
De votre herbier maint doux et cher feuillet,
Vous reveillez dans sa couche embaumee
Tout un Passe d'amour qui sommeillait…
Tout un Passe de jeunesse et de vie,
10 Tout un Passe qui ne peut s'oublier…
Et dont la cendre un moment recueillie
Reluit encore dans ce fidele herbier…
Vous y cherchez quelque debris de tige –
Et tout a coup vous y trouvez deux fleurs…
15 Et dans ma main par un secret prodige
Vous les voyez reprendre leurs couleurs.
C'etaient deux fleurs: l'une et l'autre etait belle,
D'un rouge vif, d'un eclat peu commun…
La rose brille et l'oeillet etincelle,
20 Tous deux baignes de flamme et de parfum…
Et maintenant de ce mystere etrange
Vous voudriez reconnaitre le sens…
Pourquoi faut-il vous l'expliquer, cher ange?..
Vous insistez. Eh bien soit, j'y consens.
25 Lorsqu'une fleur, ce frele et doux prestige,
Perd ses couleurs, languit et se fletrit,
Que du brasier on approche sa tige,
La pauvre fleur aussitot refleurit…
Et c'est ainsi que toujours s'accomplissent
30 Au jour fatal et reves et destins…
Quand dans nos coeurs les souvenirs palissent,
La Mort les fait refleurir dans ses mains…

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* * *

Un ciel lourd que la nuit bien avant l'heure assiege,
Un fleuve, bloc de glace et que l'hiver ternit –
Et des filets de poussiere de neige
Tourbillonnent sur des quais de granit…
5 La mer se ferme enfin… Le monde recule,
Le monde des vivants, orageux, tourmente…
Et, bercee aux lueurs d'un vague crepuscule,
Le pole attire a lui sa fidele cite…

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Lamartine

La lyre d'Apollon, cet oracle des dieux,
N 'est plus entre ses mains que la harpe d'Eolef
Et sa pensee – un reve aile, melodieux
Qui flotte dans les airs berce par sa parole.

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Comme en aimant le coeur devient pusillanime,
Que de tristesse au fond et d'angoisse et d'effroi!
Je dis au temps qui fuit: arrete, arrete-toi,