Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 11


– Son entrevue avec le roi ? fit d’Artagnan d’un ton si naturel, qu’il n’y avait pas moyen de douter de son étonnement. Vous avez donc vu le roi, Athos ?


Athos sourit.


– Oui, dit-il, je l’ai vu.


– Ah ! vraiment, vous ignoriez que le comte eût vu Sa Majesté ?

demanda Raoul à demi rassuré.


– Ma foi, oui ! tout à fait.

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– Alors, me voilà plus tranquille, dit Raoul.


– Tranquille, et sur quoi ? demanda Athos.


– Monsieur, dit Raoul, pardonnez-moi ; mais, connaissant l’amitié que vous me faites l’honneur de me porter, je craignais que vous n’eussiez un peu vivement exprimé à Sa Majesté ma douleur et votre indignation, et qu’alors le roi…


– Et qu’alors le roi ? répéta d’Artagnan. Voyons, achevez, Raoul.


– Excusez-moi à votre tour, monsieur d’Artagnan, dit Raoul. Un instant j’ai tremblé, je l’avoue, que vous ne vinssiez pas ici comme M. d’Artagnan, mais comme capitaine de mousquetaires.


– Vous êtes fou, mon pauvre Raoul, s’écria d’Artagnan avec un éclat de rire dans lequel un exact observateur eût peut-être désiré plus de franchise.


– Tant mieux ! dit Raoul.


– Oui, fou, et savez-vous ce que je vous conseille ?


– Dites, monsieur ; venant de vous, l’avis doit être bon.


– Eh bien ! je vous conseille, après votre voyage, après votre visite chez M. de Guiche, après votre visite chez Madame, après votre visite chez Porthos, après votre voyage à Vincennes, je vous conseille de prendre quelque repos ; couchez-vous, dormez douze heures, et, à votre réveil, fatiguez-moi un bon cheval.


Et, l’attirant à lui, il l’embrassa comme il eût fait de son propre enfant. Athos en fit autant ; seulement, il était visible que le baiser était plus tendre et la pression plus forte encore chez le père que chez l’ami.

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Le jeune homme regarda de nouveau ces deux hommes, en appliquant à les pénétrer toutes les forces de son intelligence. Mais son regard s’émoussa sur la physionomie riante du mousquetaire et sur la figure calme et douce du comte de La Fère.


– Et où allez-vous, Raoul ? demanda ce dernier, voyant que Bragelonne s’apprêtait à sortir.


– Chez moi, monsieur, répondit celui-ci de sa voix douce et triste.


– C’est donc là qu’on vous trouvera, vicomte, si l’on a quelque chose à vous dire ?


– Oui, monsieur. Est-ce que vous prévoyez avoir quelque chose à me dire ?


– Que sais-je ! dit Athos.


– Oui, de nouvelles consolations, dit d’Artagnan en poussant tout doucement Raoul vers la porte.


Raoul, voyant cette sérénité dans chaque geste des deux amis, sortit de chez le comte, n’emportant avec lui que l’unique sentiment de sa douleur particulière.