Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 15


– Voulez-vous me faire la grâce de vous asseoir et de m’écouter ? dit Louise, l’interrompant avec sa plus douce voix.


Bragelonne la regarda un instant ; puis, secouant tristement la tête, il s’assit ou plutôt tomba sur une chaise.


– Parlez, dit-il.


Elle jeta un regard à la dérobée autour d’elle. Ce regard était une prière et demandait bien mieux le secret qu’un instant auparavant ne l’avaient fait ses paroles.


Raoul se releva, et, allant à la porte qu’il ouvrit :


– Olivain, dit-il, je n’y suis pour personne.


Puis, se retournant vers La Vallière :


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– C’est cela que vous désirez ? dit-il.


Rien ne peut rendre l’effet que fit sur Louise cette parole qui signifiait : « Vous voyez que je vous comprends encore, moi. »


Elle passa son mouchoir sur ses yeux pour éponger une larme rebelle ; puis, s’étant recueillie un instant :


– Raoul, dit-elle, ne détournez point de moi votre regard si bon et si franc ; vous n’êtes pas un de ces hommes qui méprisent une femme parce qu’elle a donné son cœur, dût cet amour faire leur malheur ou les blesser dans leur orgueil.


Raoul ne répondit point.


– Hélas ! continua La Vallière, ce n’est que trop vrai ; ma cause est mauvaise, et je ne sais par quelle phrase commencer. Tenez, je ferai mieux, je crois, de vous raconter tout simplement ce qui m’arrive. Comme je dirai la vérité, je trouverai toujours mon droit chemin, dans l’obscurité, dans l’hésitation, dans les obstacles que j’ai à braver, pour soulager mon cœur qui déborde et veut se répandre à vos pieds.


Raoul continua de garder le silence.


La Vallière le regardait d’un air qui voulait dire : « Encouragez-moi ! par pitié, un mot ! »


Mais Raoul se tut et la jeune fille dut continuer.


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Chapitre CC – Blessures sur blessures


Mlle de La Vallière, car c’était bien elle, fit un pas en avant.


– Oui, Louise, murmura-t-elle.


Mais dans cet intervalle, si court qu’il fût, Raoul avait eu le temps de se remettre.


– Vous, mademoiselle ? dit-il.


Puis, avec un accent indéfinissable :


– Vous ici ? ajouta-t-il.


– Oui, Raoul, répéta la jeune fille ; oui, moi, qui vous attendais.


– Pardon ; lorsque je suis rentré, j’ignorais…


– Oui, et j’avais recommandé à Olivain de vous laisser ignorer…


Elle hésita ; et, comme Raoul ne se pressait pas de lui répondre, il se fit un silence d’un instant, silence pendant lequel on eût pu entendre le bruit de ces deux cœurs qui battaient, non plus à l’unisson l’un de l’autre, mais aussi violemment l’un que l’autre.


C’était à Louise de parler. Elle fit un effort.


– J’avais à vous parler, dit-elle ; il fallait absolument que je vous visse… moi-même… seule… Je n’ai point reculé devant une démarche qui doit rester secrète ; car personne, excepté vous, ne la comprendrait, monsieur de Bragelonne.