Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 49

Plus de feu, plus d'argent de poche, plus d'argent de promenade, plus rien que le sommeil pour remplacer les repas, les compagnies et les bals.

On a dit : « Qui dort dîne » ; mais on n'a pas dit : « Qui dort joue », ou « Qui dort danse ». Manicamp, réduit à cette extrémité de ne plus jouer ou de ne plus danser de huit jours au moins, était donc fort triste. Il attendait un usurier et vit entrer Malicorne.

Un cri de détresse lui échappa.

– Eh bien ! dit-il d'un ton que rien ne pourrait rendre, c'est encore vous, cher ami ?

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– Bon ! vous êtes poli ! dit Malicorne.

– Ah ! voyez-vous, c'est que j'attendais de l'argent, et, au lieu d'argent, vous arrivez.

– Et si je vous en apportais, de l'argent ?

– Oh ! alors, c'est autre chose. Soyez le bienvenu, cher ami.

Et il tendit la main, non pas à la main de Malicorne, mais à sa bourse.

Malicorne fit semblant de s'y tromper et lui donna la main.

– Et l'argent ? fit Manicamp.

– Mon cher ami, si vous voulez l'avoir, gagnez-le.

– Que faut-il faire pour cela ?

– Le gagner, parbleu !

– Et de quelle façon ?

– Oh ! c'est rude, je vous en avertis !

– Diable !

– II faut quitter le lit et aller trouver sur-le-champ M. le comte de Guiche.

– Moi, me lever ? fit Manicamp en se détirant voluptueuse-ment dans son lit. Oh ! non pas.

– Vous avez donc vendu tous vos habits ?

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– Non, il m'en reste un, le plus beau même, mais j'attends acheteur.

– Et des chausses ?

– Il me semble que vous les voyez sur cette chaise.

– Eh bien ! puisqu'il vous reste des chausses et un pourpoint, chaussez les unes et endossez l'autre, faites seller un cheval et mettez-vous en chemin.

– Point du tout.

– Pourquoi cela ?

– Morbleu ! vous ne savez donc pas que M. de Guiche est à Étampes ?

– Non, je le croyais à Paris, moi ; vous n'aurez que quinze lieues à faire au lieu de trente.

– Vous êtes charmant ! Si je fais quinze lieues avec mon habit, il ne sera plus mettable, et, au lieu de le vendre trente pistoles, je serai obligé de le donner pour quinze.

– Donnez-le pour ce que vous voudrez, mais il me faut une seconde commission de fille d'honneur.

– Bon ! pour qui ? La Montalais est donc double ?

– Méchant homme ! c'est vous qui l'êtes. Vous engloutissez deux fortunes : la mienne et celle de M. le comte de Guiche.

– Vous pourriez bien dire celle de M. de Guiche et la vôtre.

– C'est juste, à tout seigneur tout honneur ; mais j'en reviens à mon brevet.

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– Et vous avez tort.

– Prouvez-moi cela.

– Mon ami, il n'y aura que douze filles d'honneur pour Madame ; j'ai déjà obtenu pour vous ce que douze cents femmes se disputent, et pour cela, il m'a fallu déployer une diplomatie…