Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 50

– Oui, je sais que vous avez été héroïque, cher ami.

– On sait les affaires, dit Manicamp.

– À qui le dites-vous ! Aussi, quand je serai roi, je vous promets une chose.

– Laquelle ? de vous appeler Malicorne Ier ?

– Non, de vous faire surintendant de mes finances ; mais ce n'est point de cela qu'il s'agit.

– Malheureusement.

– Il s'agit de me procurer une seconde charge de fille d'honneur.

– Mon ami, vous me promettriez le ciel que je ne me dérange-rais pas dans ce moment-ci.

Malicorne fit sonner sa poche.

– Il y a là vingt pistoles, dit Malicorne.

– Et que voulez-vous faire de vingt pistoles, mon Dieu ?

– Eh ! dit Malicorne un peu fâché, quand ce ne serait que pour les ajouter aux cinq cents que vous me devez déjà !

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– Vous avez raison, reprit Manicamp en tendant de nouveau la main, et sous ce point de vue je puis les accepter. Donnez-les moi.

– Un instant, que diable ! il ne s'agit pas seulement de tendre la main ; si je vous donne les vingt pistoles, aurai-je le brevet ?

– Sans doute.

– Bientôt ?

– Aujourd'hui.

– Oh ! prenez garde, monsieur de Manicamp ! vous vous enga-gez beaucoup, et je ne vous en demande pas si long. Trente lieues en un jour, c'est trop, et vous vous tueriez.

– Pour obliger un ami, je ne trouve rien d'impossible.

– Vous êtes héroïque.

– Où sont les vingt pistoles ?

– Les voici, fit Malicorne en les montrant.

– Bien.

– Mais, mon cher monsieur Manicamp, vous allez les dévorer rien qu'en chevaux de poste.

– Non pas ; soyez tranquille.

– Pardonnez-moi.

– Quinze lieues d'ici à Étampes…

– Quatorze.

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– Soit ; quatorze lieues font sept postes ; à vingt sous la poste, sept livres ; sept livres de courrier, quatorze ; autant pour revenir, vingt-huit ; coucher et souper autant ; c'est une soixantaine de livres que vous coûtera cette complaisance.

Manicamp s'allongea comme un serpent dans son lit, et fixant ses deux grands yeux sur Malicorne :

– Vous avez raison, dit-il, je ne pourrais pas revenir avant demain.

Et il prit les vingt pistoles.

– Alors, partez.

– Puisque je ne pourrai revenir que demain, nous avons le temps.

– Le temps de quoi faire ?

– Le temps de jouer.

– Que voulez-vous jouer ?

– Vos vingt pistoles, pardieu !

– Non pas, vous gagnerez toujours.

– Je vous les gage, alors.

– Contre quoi !

– Contre vingt autres.

– Et quel sera l'objet du pari ?

– Voici. Nous avons dit quatorze lieues pour aller à Étampes.

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– Oui.

– Quatorze lieues pour revenir.

– Oui.

– Par conséquent vingt-huit lieues.

– Sans doute.

– Pour ces vingt-huit lieues, vous m'accordez bien quatorze heures ?