Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 67

sormais un brevet de beauté que d'avoir inspiré un amour d'outre-mer.

– Monsieur, répondit Bragelonne, je n'aime pas à entendre plaisanter sur ces matières. Nous autres gentilshommes, nous sommes les gardiens de l'honneur des reines et des princesses. Si nous rions d'elles, que feront les laquais ?

– Oh ! oh ! monsieur, dit de Wardes, dont les oreilles rougirent, comment dois-je prendre cela ?

– Prenez-le comme il vous plaira, monsieur, répondit froidement Bragelonne.

– Bragelonne ! Bragelonne ! murmura de Guiche.

– Monsieur de Wardes ! s'écria Manicamp voyant le jeune homme pousser son cheval du côté de Raoul.

– Messieurs ! Messieurs ! dit de Guiche, ne donnez pas un pareil exemple en public, dans la rue. De Wardes, vous avez tort.

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– Tort ! en quoi ? Je vous le demande.

– Tort en ce que vous dites toujours du mal de quelque chose ou de quelqu'un, répliqua Raoul avec son implacable sang-froid.

– De l'indulgence, Raoul, fit tout bas de Guiche.

– Et ne vous battez pas avant de vous être reposés ; vous ne feriez rien qui vaille, dit Manicamp.

– Allons ! allons ! dit de Guiche, en avant, messieurs, en avant !

Et là-dessus, écartant les chevaux et les pages, il se fit une route jusqu'à la place au milieu de la foule, attirant après lui tout le cortège des Français. Une grande porte donnant sur une cour était ouverte ; de Guiche entra dans cette cour ; Bragelonne, de Wardes, Manicamp et trois ou quatre autres gentilshommes l'y suivirent.

Là se tint une espèce de conseil de guerre ; on délibéra sur le moyen qu'il fallait employer pour sauver la dignité de l'ambassade.

Bragelonne conclut pour que l'on respectât le droit de priorité.

De Wardes proposa de mettre la ville à sac. Cette proposition parut un peu vive à Manicamp. Il proposa de dormir d'abord : c'était le plus sage. Malheureusement, pour suivre son conseil, il ne manquait que deux choses : une maison et des lits.

De Guiche rêva quelque temps ; puis, à haute voix :

– Qui m'aime me suive, dit-il.

– Les gens aussi ? demanda un page qui s'était approché du groupe.

– Tout le monde ! s'écria le fougueux jeune homme. Allons Manicamp, conduis-nous à la maison que Son Altesse Madame doit occuper.

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Sans rien deviner des projets du comte, ses amis le suivirent, escortés d'une foule de peuple dont les acclamations et la joie formaient un présage heureux pour le projet encore inconnu que poursuivait cette ardente jeunesse.

Le vent soufflait bruyamment du port et grondait par lourdes rafales.