Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 47

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Baisemeaux, tout en obéissant, était loin de mettre un grand empressement à obéir.


Enfin, on arriva à la porte ; le guichetier n’eut pas besoin de chercher la clef, il l’avait préparée. La porte s’ouvrit.


Baisemeaux se disposait à entrer chez le prisonnier ; mais, l’arrêtant sur le seuil :


– Il n’est pas écrit, dit Aramis, que le gouverneur entendra la confession du prisonnier.


Baisemeaux s’inclina et laissa passer Aramis, qui prit le falot des mains du guichetier et entra ; puis d’un geste, il fit signe que l’on refermât la porte derrière lui.


Pendant un instant, il se tint debout, l’oreille tendue, écoutant si Baisemeaux et le porte-clefs s’éloignaient ; puis, lorsqu’il se fut assuré, par la décroissance du bruit, qu’ils avaient quitté la tour, il posa le falot sur la table et regarda autour de lui.


Sur un lit de serge verte, en tout pareil aux autres lits de la Bastille, excepté qu’il était plus neuf, sous des rideaux amples et fermés à demi, reposait le jeune homme près duquel, une fois déjà, nous avons introduit Aramis.


Suivant l’usage de la prison, le captif était sans lumière. À

l’heure du couvre-feu, il avait dû éteindre sa bougie. On voit combien le prisonnier était favorisé, puisqu’il avait ce rare privilège de garder de la lumière jusqu’au moment du couvre-feu.


Près de ce lit, un grand fauteuil de cuir, à pieds tordus, supportait des habits d’une fraîcheur remarquable. Une petite table, sans plumes, sans livres, sans papiers, sans encre, était abandonnée tristement près de la fenêtre. Plusieurs assiettes, encore pleines

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attestaient que le prisonnier avait à peine touché à son dernier repas.


Aramis vit, sur le lit, le jeune homme étendu, le visage à demi caché sous ses deux bras.


L’arrivée du visiteur ne le fit point changer de posture ; il attendait ou dormait. Aramis alluma la bougie à l’aide du falot, repoussa doucement le fauteuil et s’approcha du lit avec un mélange visible d’intérêt et de respect.


Le jeune homme souleva la tête.


– Que me veut-on ? demanda-t-il.


– N’avez-vous pas désiré un confesseur ?


– Oui.


– Parce que vous êtes malade ?


– Oui.


– Bien malade ?


Le jeune homme attacha sur Aramis des yeux pénétrants, et dit

:


– Je vous remercie.


Puis, après un silence :


– Je vous ai déjà vu, continua-t-il.


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Aramis s’inclina. Sans doute, l’examen que le prisonnier venait de faire, cette révélation d’un caractère froid, rusé et dominateur, empreint sur la physionomie de l’évêque de Vannes, était peu rassurant dans la situation du jeune homme ; car il ajouta :