Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 57

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enveloppé dans du papier, et, comme le papier, remarqua mon gouverneur, se développe à l’eau, il ne sera pas surprenant qu’on ne retrouve que la lettre tout ouverte.


– Elle aura peut-être déjà eu le temps de s’effacer dit dame Perronnette.


– Peu importe, pourvu que nous ayons la lettre. En remettant la lettre à la reine, elle verra bien que nous ne l’avons pas trahie, et, par conséquent, n’excitant pas la défiance de M. de Mazarin, nous n’aurons rien à craindre de lui. »


Cette résolution prise, ils se séparèrent. Je repoussai le volet, et, voyant que mon gouverneur s’apprêtait à rentrer, je me jetai sur mes coussins avec un bourdonnement dans la tête, causé par tout ce que je venais d’entendre.


Mon gouverneur entrebâilla la porte quelques secondes après que je m’étais rejeté sur mes coussins, et, me croyant assoupi, la referma doucement.


À peine fut-elle refermée, que le me relevai et prêtant l’oreille, j’entendis le bruit des pas qui s’éloignaient. Alors je revins à mon volet, et je vis sortir mon gouverneur et dame Perronnette.


J’étais seul à la maison.


Ils n’eurent pas plutôt refermé la porte, que, sans prendre la peine de traverser le vestibule, je sautai par la fenêtre et courus au puits.


Alors, comme s’était penché mon gouverneur, je me penchai à mon tour.


Je ne sais quoi de blanchâtre et de lumineux tremblotait dans les cercles frissonnants de l’eau verdâtre Ce disque brillant me

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fascinait et m’attirait. Mes yeux étaient fixes, ma respiration haletante. Le puits m’aspirait avec sa large bouche et son haleine glacée : il me semblait lire au fond de l’eau des caractères de feu tracés sur le papier qu’avait touché la reine.


Alors, sans savoir ce que je faisais, et animé par un de ces mouvements instinctifs qui vous poussent sur les pentes fatales, je roulai une extrémité de la corde au pied de la potence du puits, je laissai pendre le seau jusque dans l’eau, à trois pieds de profondeur à peu près, tout cela en me donnant bien du mal pour ne pas déranger le précieux papier, qui commençait à changer sa couleur blanchâtre contre une teinte verdâtre, preuve qu’il s’enfonçait, puis, un morceau de toile mouillée entre les mains, je me laissai glisser dans l’abîme.


Quand je me vis suspendu au-dessus de cette flaque d’eau sombre, quand je vis le ciel diminuer au-dessus de ma tête, le froid s’empara de moi, le vertige me saisit et fit dresser mes cheveux ; mais ma volonté domina tout, terreur et malaise. J’atteignis l’eau, et je m’y plongeai d’un seul coup, me retenant d’une main, tandis que j’allongeais l’autre, et que je saisissais le précieux papier, qui se déchira en deux entre mes doigts.