Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 105

– Comme vous êtes sérieux, monsieur Raoul ! dit Louise tout inquiète.

– C'est que la circonstance est sérieuse, mademoiselle. M'écoutez-vous ?

– Je vous écoute ; seulement, monsieur, je vous le répète, nous sommes bien seuls.

– Vous avez raison, dit Raoul.

Et, lui offrant la main, il conduisit la jeune fille dans la galerie voisine de la salle de réception, et dont les fenêtres donnaient sur la place.

Tout le monde se pressait à la fenêtre du milieu, qui avait un balcon extérieur d'où l'on pouvait voir dans tous leurs détails les lents préparatifs du départ.

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Raoul ouvrit une des fenêtres latérales, et là, seul avec Mlle de La Vallière :

– Louise, dit-il, vous savez que, dès mon enfance, je vous ai chérie comme une sœur et que vous avez été la confidente de tous mes chagrins, la dépositaire de toutes mes espérances.

– Oui, répondit-elle bien bas, oui, monsieur Raoul, je sais cela.

– Vous aviez l'habitude, de votre côté, de me témoigner la même amitié, la même confiance ; pourquoi, en cette rencontre, n'avez-vous pas été mon amie ? pourquoi vous êtes-vous défiée de moi ? La Vallière ne répondit point.

– J'ai cru que vous m'aimiez, dit Raoul, dont la voix devenait de plus en plus tremblante ; j'ai cru que vous aviez consenti à tous les plans faits en commun pour notre bonheur, alors que tous deux nous nous promenions dans les grandes allées de Cour-Cheverny et sous les peupliers de l'avenue qui conduit à Blois. Vous ne répondez pas, Louise ?

Il s'interrompit.

– Serait-ce, demanda-t-il en respirant à peine, que vous ne m'aimeriez plus ?

– Je ne dis point cela, répliqua tout bas Louise.

– Oh ! dites-le-moi bien, je vous en prie ; j'ai mis tout l’espoir de ma vie en vous, je vous ai choisie pour vos habitudes douces et simples. Ne vous laissez pas éblouir, Louise, à présent que vous voilà au milieu de la cour, où tout ce qui est pur se corrompt, où tout ce qui est jeune vieillit vite. Louise, fermez vos oreilles pour ne pas entendre les paroles, fermez vos yeux pour ne pas voir les exemples, fermez vos lèvres pour ne point respirer les souffles corrupteurs.

Sans mensonges, sans détours, Louise, faut-il que je croie ces mots

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de Mlle de Montalais ? Louise, êtes-vous venue à Paris parce que je n'étais plus à Blois ?

La Vallière rougit et cacha son visage dans ses mains.

– Oui, n'est-ce pas, s'écria Raoul exalté, oui, c'est pour cela que vous êtes venue ? oh ! je vous aime comme jamais je ne vous ai ai-mée ! Merci, Louise, de ce dévouement ; mais il faut que je prenne un parti pour vous mettre à couvert de toute insulte, pour vous ga-rantir de toute tache. Louise, une fille d'honneur, à la cour d'une jeune princesse, en ce temps de mœurs faciles et d'inconstantes amours, une fille d'honneur est placée dans le centre des attaques sans aucune défense ; cette condition ne peut vous convenir : il faut que vous soyez mariée pour être respectée.