Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 106

– Mariée ?

– Oui.

– Mon Dieu !

– Voici ma main, Louise, laissez-y tomber la vôtre.

– Mais votre père ?

– Mon père me laisse libre.

– Cependant…

– Je comprends ce scrupule, Louise ; je consulterai mon père.

– Oh ! monsieur Raoul, réfléchissez, attendez.

– Attendre, c'est impossible ; réfléchir, Louise, réfléchir, quand il s'agit de vous ! ce serait vous insulter ; votre main, chère Louise, je suis maître de moi ; mon père dira oui, je vous le promets ; votre main, ne me faites point attendre ainsi, répondez vite un mot, un seul, sinon je croirais que, pour vous changer à jamais, il a suffi d'un

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seul pas dans le palais, d'un seul souffle de la faveur, d'un seul sourire des reines, d'un seul regard du roi.

Raoul n'avait pas prononcé ce dernier mot que La Vallière était devenue pâle comme la mort, sans doute par la crainte qu'elle avait de voir s'exalter le jeune homme.

Aussi, par un mouvement rapide comme la pensée, jeta-t-elle ses deux mains dans celles de Raoul.

Puis elle s'enfuit sans ajouter une syllabe et disparut sans avoir regardé en arrière. Raoul sentit son corps frissonner au contact de cette main. Il reçut le serment, comme un serment solennel arraché par l’amour à la timidité virginale.

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Chapitre XC – Le consentement d'Athos

Raoul était sorti du Palais-Royal avec des idées qui n'admettaient point de délais dans leur exécution.

Il monta donc à cheval dans la cour même et prit la route de Blois, tandis que s'accomplissaient, avec une grande allégresse des courtisans et une grande désolation de Guiche et de Buckingham, les noces de Monsieur et de la princesse d'Angleterre.

Raoul fit diligence ; en dix-huit heures il arriva à Blois. Il avait préparé en route ses meilleurs arguments. La fièvre aussi est un argument sans réplique, et Raoul avait la fièvre.

Athos était dans son cabinet, ajoutant quelques pages à ses mé-

moires, lorsque Raoul entra conduit par Grimaud. Le clairvoyant gentilhomme n'eut besoin que d'un coup d'œil pour reconnaître quelque chose d'extraordinaire dans l'attitude de son fils.

– Vous me paraissez venir pour affaire de conséquence, dit-il en montrant un siège à Raoul après l'avoir embrassé.

– Oui, monsieur, répondit le jeune homme, et je vous supplie de me prêter cette bienveillante attention qui ne m'a jamais fait dé-

faut.

– Parlez, Raoul.

– Monsieur, voici le fait dénué de tout préambule indigne d’un homme comme vous : Mlle de La Vallière est à Paris en qualité de fille d'honneur de Madame ; je me suis bien consulté, j'aime Mlle de La Vallière par-dessus tout, et il ne me convient pas de la laisser dans un poste où sa réputation, sa vertu peuvent être exposées ; je désire donc l'épouser, monsieur, et je viens vous demander votre consentement à ce mariage.