Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 107

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Athos avait gardé, pendant cette communication, un silence et une réserve absolus.

Raoul avait commencé son discours avec l'affectation du sang-froid, et il avait fini par laisser voir à chaque mot une émotion des plus manifestes.

Athos fixa sur Bragelonne un regard profond, voilé d'une certaine tristesse.

– Donc, vous avez bien réfléchi ? demanda-t-il.

– Oui, monsieur.

– Il me semblait vous avoir déjà dit mon sentiment à l'égard de cette alliance.

– Je le sais, monsieur, répondit Raoul bien bas ; mais vous avez répondu que si j'insistais…

– Et vous insistez ?

Bragelonne balbutia un oui presque inintelligible.

– Il faut, en effet, monsieur, continua tranquillement Athos, que votre passion soit bien forte, puisque, malgré ma répugnance pour cette union, vous persistez à la désirer.

Raoul passa sur son front une main tremblante, il essuyait ainsi la sueur qui l'inondait.

Athos le regarda, et la pitié descendit au fond de son cœur.

Il se leva.

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– C'est bien, dit-il, mes sentiments personnels, à moi, ne signifient rien, puisqu'il s'agit des vôtres ; vous me requérez, je suis à vous. Au fait, voyons, que désirez-vous de moi ?

– Oh ! votre indulgence, monsieur, votre indulgence d'abord, dit Raoul en lui prenant les mains.

– Vous vous méprenez sur mes sentiments pour vous, Raoul ; il y a mieux que cela dans mon cœur, répliqua le comte.

Raoul baisa la main qu'il tenait, comme eût pu le faire l'amant le plus passionné.

– Allons, allons, reprit Athos ; dites, Raoul, me voilà prêt, que faut-il signer ?

– Oh ! rien, monsieur, rien ; seulement, il serait bon que vous prissiez la peine d'écrire au roi, et de demander pour moi à Sa Majesté, à laquelle j'appartiens, la permission d'épouser Mlle de La Vallière.

– Bien, vous avez là une bonne pensée, Raoul. En effet, après moi, ou plutôt avant moi, vous avez un maître ; ce maître, c'est le roi ; vous vous soumettez donc à une double épreuve, c'est loyal.

– Oh ! monsieur !

– Je vais sur-le-champ acquiescer à votre demande, Raoul. Le comte s'approcha de la fenêtre ; et se penchant légèrement en dehors :

– Grimaud ! cria-t-il.

Grimaud montra sa tête à travers une tonnelle de jasmin qu'il émondait.

– Mes chevaux ! continua le comte.

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– Que signifie cet ordre, monsieur ?

– Que nous partons dans deux heures.

– Pour où ?

– Pour Paris.

– Comment, pour Paris ! Vous venez à Paris ?

– Le roi n'est-il pas à Paris ?

– Sans doute.

– Eh bien ! ne faut-il pas que nous y allions, et avez-vous perdu le sens ?

– Mais, monsieur, dit Raoul presque effrayé de cette condes-cendance paternelle, je ne vous demande point un pareil dérangement, et une simple lettre…