Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 109

– Monsieur, s'écria Raoul emporté par un premier mouvement, l'on m'a reproché l'autre jour de ne pas connaître ma mère.

Athos pâlit ; puis, fronçant le sourcil comme le dieu suprême de l'Antiquité :

– Il me tarde de savoir ce que vous avez répondu, monsieur, demanda-t-il majestueusement.

– Oh ! pardon… pardon !… murmura le jeune homme tombant du haut de son exaltation.

– Qu'avez-vous répondu, monsieur ? demanda le comte en frappant du pied.

– Monsieur, j'avais l'épée à la main, celui qui m'insultait, était en garde, j'ai fait sauter son épée par-dessus une palissade, et je l'ai envoyé rejoindre son épée.

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– Et pourquoi ne l'avez-vous pas tué ?

– Sa Majesté défend le duel, monsieur, et j'étais en ce moment ambassadeur de Sa Majesté.

– C'est bien, dit Athos, mais raison de plus pour que j'aille parler au roi.

– Qu'allez-vous lui demander, monsieur ?

– L'autorisation de tirer l'épée contre celui qui nous a fait cette offense.

– Monsieur, si je n'ai point agi comme je devais agir, pardonnez-moi, je vous en supplie.

– Qui vous a fait un reproche, Raoul ?

– Mais cette permission que vous voulez demander au roi.

– Raoul, je prierai Sa Majesté de signer à votre contrat de mariage.

– Monsieur…

– Mais à une condition…

– Avez-vous besoin de condition vis-à-vis de moi ? ordonnez, monsieur, et j'obéirai.

– À la condition, continua Athos, que vous me direz le nom de celui qui a ainsi parlé de votre mère.

– Mais, monsieur, qu'avez-vous besoin de savoir ce nom ?

– C'est à moi que l'offense a été faite, et une fois la permission obtenue de Sa Majesté, c'est moi que la vengeance regarde.

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– Son nom, monsieur ?

– Je ne souffrirai pas que vous vous exposiez.

– Me prenez-vous pour un don Diegue ? Son nom ?

– Vous l'exigez ?

– Je le veux.

– Le vicomte de Wardes.

– Ah ! dit tranquillement Athos, c'est bien, je le connais. Mais nos chevaux sont prêts, monsieur ; au lieu de partir dans deux heures, nous partirons tout de suite. À cheval, monsieur, à cheval !

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Chapitre XCI – Monsieur est jaloux du duc de

Buckingham

Tandis que M. le comte de La Fère s'acheminait vers Paris, accompagné de Raoul, le Palais-Royal était le théâtre d'une scène que Molière eût appelée une bonne comédie.

C'était quatre jours après son mariage ; Monsieur, après avoir déjeuné à la hâte, passa dans ses antichambres, les lèvres en moue, le sourcil froncé.

Le repas n'avait pas été gai. Madame s'était fait servir dans son appartement.

Monsieur avait donc déjeuné en petit comité. Le chevalier de Lorraine et Manicamp assistaient seuls à ce déjeuner, qui avait duré trois quarts d'heure sans qu'un seul mot eût été prononcé.