Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 14

– Je croyais que nous étions convenus de ne monter à cheval qu'à huit heures.

– C'est possible ; mais, moi, j'avais si grande envie de vous voir, que je me suis dit : « Le plus tôt sera le meilleur. »

– Et mes sept heures de sommeil ? dit Aramis. Prenez garde, j'avais compté là-dessus, et ce qu'il m'en manquera, il faudra que je le rattrape.

– Mais il me semble qu'autrefois vous étiez moins dormeur que cela, cher ami ; vous aviez le sang alerte et l'on ne vous trouvait jamais au lit.

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– Et c'est justement à cause de ce que vous me dites là que j'aime fort à y demeurer maintenant.

– Aussi, avouez que ce n'était pas pour dormir que vous m'avez demandé jusqu'à huit heures.

– J'ai toujours peur que vous ne vous moquiez de moi si je vous dis la vérité.

– Dites toujours.

– Eh bien ! de six à huit heures, j'ai l'habitude de faire mes dé-

votions.

– Vos dévotions ?

– Oui.

– Je ne croyais pas qu'un évêque eût des exercices si sévères.

– Un évêque, cher ami, a plus à donner aux apparences qu'un simple clerc.

– Mordioux ! Aramis, voici un mot qui me réconcilie avec Votre Grandeur. Aux apparences ! c'est un mot de mousquetaire, celui-là, à la bonne heure ! Vivent les apparences, Aramis !

– Au lieu de m'en féliciter, pardonnez-le-moi, d'Artagnan. C'est un mot bien mondain que j'ai laissé échapper là.

– Faut-il donc que je vous quitte ?

– J'ai besoin de recueillement, cher ami.

– Bon. Je vous laisse ; mais à cause de ce païen qu'on appelle d'Artagnan, abrégez-les, je vous prie ; j'ai soif de votre parole.

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– Eh bien ! d'Artagnan, je vous promets que dans une heure et demie…

– Une heure et demie de dévotions ? Ah ! mon ami, passez-moi cela au plus juste. Faites-moi le meilleur marché possible.

Aramis se mit à rire.

– Toujours charmant, toujours jeune, toujours gai, dit-il. Voilà que vous êtes venu dans mon diocèse pour me brouiller avec la grâce.

– Bah !

– Et vous savez bien que je n'ai jamais résisté à vos entraînements ; vous me coûterez mon salut, d'Artagnan.

D'Artagnan se pinça les lèvres.

– Allons, dit-il, je prends le péché sur mon compte, débridez-moi un simple signe de croix de chrétien, débridez-moi un Pater et partons.

– Chut ! dit Aramis, nous ne sommes déjà plus seuls, et j'entends des étrangers qui montent.

– Eh bien ! congédiez-les.

– Impossible ; je leur avais donné rendez-vous hier : c'est le principal du collège des jésuites et le supérieur des dominicains.

– Votre état-major, soit.

– Qu'allez-vous faire ?

– Je vais aller réveiller Porthos et attendre dans sa compagnie que vous ayez fini vos conférences.