Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 18

Il comptait terrifier Aramis par la promptitude de son retour, et il voulait lui reprocher sa duplicité, avec réserve toutefois, mais avec assez d'esprit néanmoins pour lui en faire sentir toutes les conséquences et lui arracher une partie de son secret.

Il espérait enfin, grâce à cette verve d'expression qui est aux mystères ce que la charge à la baïonnette est aux redoutes, enlever le mystérieux Aramis jusqu'à une manifestation quelconque.

Mais il trouva dans le vestibule du palais le valet de chambre qui lui fermait le passage tout en lui souriant d'un air béat.

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– Monseigneur ? cria d'Artagnan en essayant de l'écarter de la main.

Un instant ébranlé, le valet reprit son aplomb.

– Monseigneur ? fit-il.

– Eh ! oui, sans doute ; ne me reconnais-tu pas, imbécile ?

– Si fait ; vous êtes le chevalier d'Artagnan.

– Alors, laisse-moi passer.

– Inutile.

– Pourquoi inutile ?

– Parce que Sa Grandeur n'est point chez elle.

– Comment, Sa Grandeur n'est point chez elle ! Mais où est-elle donc ?

– Partie.

– Partie ?

– Oui.

– Pour où ?

– Je n'en sais rien ; mais peut-être le dit-elle à Monsieur le chevalier.

– Comment ? où cela ? de quelle façon ?

– Dans cette lettre qu'elle m'a remise pour Monsieur le chevalier.

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Et le valet de chambre tira une lettre de sa poche.

– Eh ! donne donc, maroufle ! fit d'Artagnan en la lui arrachant des mains. Oh ! oui, continua d'Artagnan à la première ligne ; oui, je comprends.

Et il lut à demi-voix :

« Cher ami, Une affaire des plus urgentes m'appelle dans une des paroisses de mon diocèse.

J'espérais vous voir avant de partir ; mais je perds cet espoir en songeant que vous allez sans doute rester deux ou trois jours à Belle-Île avec notre cher Porthos.

Amusez-vous bien, mais n'essayez pas de lui tenir tête à table ; c'est un conseil que je n'eusse pas donné, même à Athos, dans son plus beau et son meilleur temps.

Adieu, cher ami ; croyez bien que j'en suis aux regrets de n’avoir pas mieux et plus longtemps profité de votre excellente compagnie. »

– Mordioux ! s'écria d'Artagnan, je suis joué. Ah ! pécore, brute, triple sot que je suis ! mais rira bien qui rira le dernier oh !

dupé, dupé comme un singe à qui on donne une noix vide !

Et, bourrant un coup de poing sur le museau toujours riant du valet de chambre, il s'élança hors du palais épiscopal.

Furet, si bon trotteur qu'il fût, n'était plus à la hauteur des circonstances. D'Artagnan gagna donc la poste, et il y choisit un cheval auquel il fit voir, avec de bons éperons et une main légère que les cerfs ne sont point les plus agiles coureurs de la création.