Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 4

Aramis, en entrant dans la chambre, n'hésita pas un instant, et sans prononcer une parole qui, quelle qu'elle fût, eût été froide en pareille occasion, il vint droit au mousquetaire si bien déguisé sous le costume de M. Agnan, et le serra dans ses bras avec une tendresse que le plus défiant n'eût pas soupçonnée de froideur ou d'affectation.

D'Artagnan, de son côté, l'embrassa d'une égale ardeur. Porthos serra la main délicate d'Aramis dans ses grosses mains, et d'Artagnan remarqua que Sa Grandeur lui serrait la main gauche probablement par habitude, attendu que Porthos devait déjà dix fois lui avoir meurtri ses doigts ornés de bagues en broyant sa chair dans l'étau de son poignet. Aramis, averti par la douleur, se défiait donc et ne présentait que des chairs à froisser et non des doigts à écraser contre de l'or ou des facettes de diamant.

Entre deux accolades, Aramis regarda en face d'Artagnan, lui offrit une chaise et s'assit dans l'ombre, observant que le jour donnait sur le visage de son interlocuteur.

Cette manœuvre, familière aux diplomates et aux femmes, ressemble beaucoup à l'avantage de la garde que cherchent, selon leur habileté ou leur habitude, à prendre les combattants sur le terrain du duel. D'Artagnan ne fut pas dupe de la manœuvre ; mais il ne parut pas s'en apercevoir.

Il se sentait pris ; mais, justement parce qu'il était pris, il se sentait sur la voie de la découverte, et peu lui importait, vieux condottiere, de se faire battre en apparence, pourvu qu'il tirât de sa prétendue défaite les avantages de la victoire.

– 7 –


Ce fut Aramis qui commença la conversation.

– Ah ! cher ami ! mon bon d'Artagnan ! dit-il, quel excellent hasard !

– C'est un hasard, mon révérend compagnon, dit d'Artagnan, que j'appellerai de l'amitié. Je vous cherche, comme toujours je vous ai cherché, dès que j'ai eu quelque grande entreprise à vous offrir ou quelques heures de liberté à vous donner.

– Ah ! vraiment, dit Aramis sans explosion, vous me cherchez ?

– Eh ! oui, il vous cherche, mon cher Aramis, dit Porthos, et la preuve, c'est qu'il m'a relancé, moi, à Belle-Île. C'est aimable, n'est-ce pas ?

– Ah ! fit Aramis, certainement, à Belle-Île…

« Bon ! dit d'Artagnan, voilà mon butor de Porthos qui, sans y songer, a tiré du premier coup le canon d'attaque. »

– À Belle-Île, dit Aramis, dans ce trou, dans ce désert ! C’est aimable, en effet.

– Et c'est moi qui lui ai appris que vous étiez à Vannes, continua Porthos du même ton.

D'Artagnan arma sa bouche d'une finesse presque ironique.