– Je vous les accorde.
– Une heure pour trouver le comte de Guiche ?
– Soit.
– Et une heure pour lui faire écrire la lettre à Monsieur ?
– À merveille.
– Seize heures en tout.
– Vous comptez comme M. Colbert.
– Il est midi ?
– Et demi.
– Tiens ! vous avez une belle montre.
– Vous disiez ?… fit Malicorne en remettant sa montre dans son gousset.
– 111 –
– Ah ! c'est vrai ; je vous offrais de vous gagner vingt pistoles contre celles que vous m'avez prêtées, que vous aurez la lettre du comte de Guiche dans…
– Dans combien ?
– Dans huit heures.
– Avez-vous un cheval ailé ?
– Cela me regarde. Pariez-vous toujours ?
– J'aurai la lettre du comte dans huit heures ?
– Oui.
– Signée ?
– Oui.
– En main ?
– En main.
– Eh bien, soit ! je parie, dit Malicorne, curieux de savoir comment son vendeur d'habits se tirerait de là.
– Est-ce dit ?
– C'est dit.
– Passez-moi la plume, l'encre et le papier.
– Voici.
– Ah !
– 112 –
Manicamp se souleva avec un soupir, et s'accoudant sur son bras gauche, de sa plus belle écriture il traça les lignes suivantes :
« Bon pour une charge de fille d'honneur de Madame que M. le comte de Guiche se chargera d'obtenir à première vue. De Manicamp. » Ce travail pénible accompli, Manicamp se recoucha tout de son long.
– Eh bien ? demanda Malicorne, qu'est-ce que cela veut dire ?
– Cela veut dire que si vous êtes pressé d'avoir la lettre du comte de Guiche pour Monsieur, j'ai gagné mon pari.
– Comment cela ?
– C'est limpide, ce me semble ; vous prenez ce papier.
– Oui.
– Vous partez à ma place.
– Ah !
– Vous lancez vos chevaux à fond de train.
– Bon !
– Dans six heures, vous êtes à Étampes ; dans sept heures, vous avez la lettre du comte, et j'ai gagné mon pari sans avoir bougé de mon lit, ce qui m'accommode tout à la fois et vous aussi, j'en suis bien sûr.
– Décidément, Manicamp, vous êtes un grand homme.
– Je le sais bien.
– Je pars donc pour Étampes.
– Vous partez.
– 113 –
– Je vais trouver le comte de Guiche avec ce bon.
– Il vous en donne un pareil pour Monsieur.
– Je pars pour Paris.
– Vous allez trouver Monsieur avec le bon du comte de Guiche.
– Monsieur approuve.
– À l'instant même.
– Et j'ai mon brevet.
– Vous l'avez.
– Ah !
– J'espère que je suis gentil, hein ?
– Adorable !
– Merci.
– Vous faites donc du comte de Guiche tout ce que vous voulez, mon cher Manicamp ?
– Tout, excepté de l'argent.
– Diable ! l'exception est fâcheuse ; mais enfin, si au lieu de lui demander de l'argent, vous lui demandiez…
– Quoi ?
– Quelque chose d'important.
– Qu'appelez-vous important ?
– 114 –
– Enfin, si un de vos amis vous demandait un service ?