Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 51

– Je vous les accorde.

– Une heure pour trouver le comte de Guiche ?

– Soit.

– Et une heure pour lui faire écrire la lettre à Monsieur ?

– À merveille.

– Seize heures en tout.

– Vous comptez comme M. Colbert.

– Il est midi ?

– Et demi.

– Tiens ! vous avez une belle montre.

– Vous disiez ?… fit Malicorne en remettant sa montre dans son gousset.

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– Ah ! c'est vrai ; je vous offrais de vous gagner vingt pistoles contre celles que vous m'avez prêtées, que vous aurez la lettre du comte de Guiche dans…

– Dans combien ?

– Dans huit heures.

– Avez-vous un cheval ailé ?

– Cela me regarde. Pariez-vous toujours ?

– J'aurai la lettre du comte dans huit heures ?

– Oui.

– Signée ?

– Oui.

– En main ?

– En main.

– Eh bien, soit ! je parie, dit Malicorne, curieux de savoir comment son vendeur d'habits se tirerait de là.

– Est-ce dit ?

– C'est dit.

– Passez-moi la plume, l'encre et le papier.

– Voici.

– Ah !

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Manicamp se souleva avec un soupir, et s'accoudant sur son bras gauche, de sa plus belle écriture il traça les lignes suivantes :

« Bon pour une charge de fille d'honneur de Madame que M. le comte de Guiche se chargera d'obtenir à première vue. De Manicamp. » Ce travail pénible accompli, Manicamp se recoucha tout de son long.

– Eh bien ? demanda Malicorne, qu'est-ce que cela veut dire ?

– Cela veut dire que si vous êtes pressé d'avoir la lettre du comte de Guiche pour Monsieur, j'ai gagné mon pari.

– Comment cela ?

– C'est limpide, ce me semble ; vous prenez ce papier.

– Oui.

– Vous partez à ma place.

– Ah !

– Vous lancez vos chevaux à fond de train.

– Bon !

– Dans six heures, vous êtes à Étampes ; dans sept heures, vous avez la lettre du comte, et j'ai gagné mon pari sans avoir bougé de mon lit, ce qui m'accommode tout à la fois et vous aussi, j'en suis bien sûr.

– Décidément, Manicamp, vous êtes un grand homme.

– Je le sais bien.

– Je pars donc pour Étampes.

– Vous partez.

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– Je vais trouver le comte de Guiche avec ce bon.

– Il vous en donne un pareil pour Monsieur.

– Je pars pour Paris.

– Vous allez trouver Monsieur avec le bon du comte de Guiche.

– Monsieur approuve.

– À l'instant même.

– Et j'ai mon brevet.

– Vous l'avez.

– Ah !

– J'espère que je suis gentil, hein ?

– Adorable !

– Merci.

– Vous faites donc du comte de Guiche tout ce que vous voulez, mon cher Manicamp ?

– Tout, excepté de l'argent.

– Diable ! l'exception est fâcheuse ; mais enfin, si au lieu de lui demander de l'argent, vous lui demandiez…

– Quoi ?

– Quelque chose d'important.

– Qu'appelez-vous important ?

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– Enfin, si un de vos amis vous demandait un service ?