Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 55

Puis, se retournant vers le nouvel arrivé :

– Vous avez là un habit charmant, dit de Guiche à Malicorne. Il ne vient pas de province, je présume ; on ne taille pas dans ce goût-là à Tours ou à Orléans.

– Non, monsieur le comte, cet habit vient en effet de Paris.

– Oui, cela se voit… Mais retournons à notre affaire… Manicamp veut donc faire une seconde fille d'honneur ?

– Vous voyez ce qu'il vous écrit, monsieur le comte.

– Qui était la première déjà ?

Malicorne sentit le rouge lui monter au visage.

– Une charmante fille d'honneur, se hâta-t-il de répondre, Mlle de Montalais.

– Ah ! ah ! vous la connaissez, monsieur ?

– Oui, c'est ma fiancée, ou à peu près.

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– C'est autre chose, alors… Mille compliments ! s'écria de Guiche, sur les lèvres duquel voltigeait déjà une plaisanterie de courtisan, et que ce titre de fiancée donné par Malicorne à Mlle de Montalais rappela au respect des femmes.

– Et le second brevet, pour qui est-ce ? demanda de Guiche.

Est-ce pour la fiancée de Manicamp ?… En ce cas, je la plains.

Pauvre fille ! elle aura pour mari un méchant sujet.

– Non, monsieur le comte… Le second brevet est pour Mlle La Baume Le Blanc de La Vallière.

– Inconnue, fit de Guiche.

– Inconnue ? oui, monsieur, fit Malicorne en souriant à son tour.

– Bon ! je vais en parler à Monsieur. À propos, elle est demoiselle ?

– De très bonne maison, fille d'honneur de Madame douairière.

– Très bien ! Voulez-vous m'accompagner chez Monsieur ?

– Volontiers, si vous me faites cet honneur.

– Avez-vous votre carrosse ?

– Non, je suis venu à cheval.

– Avec cet habit ?

– Non, monsieur ; j'arrive d'Orléans en poste, et j'ai changé mon habit de voyage contre celui-ci pour me présenter chez vous.

– Ah ! c'est vrai, vous m'avez dit que vous arriviez d'Orléans.

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Et il fourra, en la froissant, la lettre de Manicamp dans sa poche.

– Monsieur, dit timidement Malicorne, je crois que vous n'avez pas tout lu.

– Comment, je n'ai pas tout lu ?

– Non, il y avait deux billets dans la même enveloppe.

– Ah ! ah ! vous êtes sûr ?

– Oh ! très sûr.

– Voyons donc.

Et le comte rouvrit le cachet.

– Ah ! fit-il, c'est, ma foi, vrai.

Et il déplia le papier qu'il n'avait pas encore lu.

– Je m'en doutais, dit-il, un autre bon pour une charge chez Monsieur ; oh ! mais c'est un gouffre que ce Manicamp. Oh ! le scé-

lérat, il en fait donc commerce ?

– Non, monsieur le comte, il veut en faire don.

– À qui ?

– À moi, monsieur.

– Mais que ne disiez-vous cela tout de suite, mon cher monsieur de Mauvaise corne.