Puis, se retournant vers le nouvel arrivé :
– Vous avez là un habit charmant, dit de Guiche à Malicorne. Il ne vient pas de province, je présume ; on ne taille pas dans ce goût-là à Tours ou à Orléans.
– Non, monsieur le comte, cet habit vient en effet de Paris.
– Oui, cela se voit… Mais retournons à notre affaire… Manicamp veut donc faire une seconde fille d'honneur ?
– Vous voyez ce qu'il vous écrit, monsieur le comte.
– Qui était la première déjà ?
Malicorne sentit le rouge lui monter au visage.
– Une charmante fille d'honneur, se hâta-t-il de répondre, Mlle de Montalais.
– Ah ! ah ! vous la connaissez, monsieur ?
– Oui, c'est ma fiancée, ou à peu près.
– 123 –
– C'est autre chose, alors… Mille compliments ! s'écria de Guiche, sur les lèvres duquel voltigeait déjà une plaisanterie de courtisan, et que ce titre de fiancée donné par Malicorne à Mlle de Montalais rappela au respect des femmes.
– Et le second brevet, pour qui est-ce ? demanda de Guiche.
Est-ce pour la fiancée de Manicamp ?… En ce cas, je la plains.
Pauvre fille ! elle aura pour mari un méchant sujet.
– Non, monsieur le comte… Le second brevet est pour Mlle La Baume Le Blanc de La Vallière.
– Inconnue, fit de Guiche.
– Inconnue ? oui, monsieur, fit Malicorne en souriant à son tour.
– Bon ! je vais en parler à Monsieur. À propos, elle est demoiselle ?
– De très bonne maison, fille d'honneur de Madame douairière.
– Très bien ! Voulez-vous m'accompagner chez Monsieur ?
– Volontiers, si vous me faites cet honneur.
– Avez-vous votre carrosse ?
– Non, je suis venu à cheval.
– Avec cet habit ?
– Non, monsieur ; j'arrive d'Orléans en poste, et j'ai changé mon habit de voyage contre celui-ci pour me présenter chez vous.
– Ah ! c'est vrai, vous m'avez dit que vous arriviez d'Orléans.
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Et il fourra, en la froissant, la lettre de Manicamp dans sa poche.
– Monsieur, dit timidement Malicorne, je crois que vous n'avez pas tout lu.
– Comment, je n'ai pas tout lu ?
– Non, il y avait deux billets dans la même enveloppe.
– Ah ! ah ! vous êtes sûr ?
– Oh ! très sûr.
– Voyons donc.
Et le comte rouvrit le cachet.
– Ah ! fit-il, c'est, ma foi, vrai.
Et il déplia le papier qu'il n'avait pas encore lu.
– Je m'en doutais, dit-il, un autre bon pour une charge chez Monsieur ; oh ! mais c'est un gouffre que ce Manicamp. Oh ! le scé-
lérat, il en fait donc commerce ?
– Non, monsieur le comte, il veut en faire don.
– À qui ?
– À moi, monsieur.
– Mais que ne disiez-vous cela tout de suite, mon cher monsieur de Mauvaise corne.