Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 56

– Malicorne !

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– Ah ! pardon ; c'est le latin qui me brouille, l'affreuse habitude des étymologies. Pourquoi diantre fait-on apprendre le latin aux jeunes gens de famille ? Mala : mauvaise. Vous comprenez, c'est tout un. Vous me pardonnez, n'est-ce pas, monsieur de Malicorne ?

– Votre bonté me touche, monsieur ; mais c'est une raison pour que je vous dise une chose tout de suite.

– Quelle chose, monsieur ?

– Je ne suis pas gentilhomme : j'ai bon cœur, un peu d'esprit, mais je m'appelle Malicorne tout court.

– Eh bien ! s'écria de Guiche en regardant la malicieuse figure de son interlocuteur, vous me faites l'effet, monsieur, d'un aimable homme. J'aime votre figure, monsieur Malicorne ; il faut que vous ayez de furieusement bonnes qualités pour avoir plu à cet égoïste de Manicamp. Soyez franc, vous êtes quelque saint descendu sur la terre.

– Pourquoi cela ?

– Morbleu ! pour qu'il vous donne quelque chose. N'avez-vous pas dit qu'il voulait vous faire don d'une charge chez le roi ?

– Pardon, monsieur le comte ; si j'obtiens cette charge, ce n'est point lui qui me l'aura donnée, c'est vous.

– Et puis il ne vous l'aura peut-être pas donnée pour rien tout à fait ?

– Monsieur le comte…

– Attendez donc : il y a un Malicorne à Orléans. Parbleu ! c'est cela ! qui prête de l'argent à M. le prince.

– Je crois que c'est mon père, monsieur.

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– Ah ! voilà ! M. le prince a le père, et cet affreux dévorateur de Manicamp a le fils. Prenez garde, monsieur, je le connais ; il vous rongera, mordieu ! jusqu'aux os.

– Seulement, je prête sans intérêt, moi, monsieur, dit en souriant Malicorne.

– Je disais bien que vous étiez un saint ou quelque chose d'approchant, monsieur Malicorne. Vous aurez votre charge ou j'y perdrai mon nom.

– Oh ! monsieur le comte, quelle reconnaissance ! dit Malicorne transporté.

– Allons chez le prince, mon cher monsieur Malicorne, allons chez le prince.

Et de Guiche se dirigea vers la porte en faisant signe à Malicorne de le suivre.

Mais au moment où ils allaient en franchir le seuil, un jeune homme apparut de l'autre côté.

C'était un cavalier de vingt-quatre à vingt-cinq ans, au visage pâle, aux lèvres minces, aux yeux brillants, aux cheveux et aux sourcils bruns.

– Eh ! bonjour, dit-il tout à coup en repoussant pour ainsi dire Guiche dans l'intérieur de la cour.

– Ah ! ah ! vous ici, de Wardes. Vous, botté, éperonné, et le fouet à la main !

– C'est la tenue qui convient à un homme qui part pour Le Havre. Demain, il n'y aura plus personne à Paris.