Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 57

Et le nouveau venu salua cérémonieusement Malicorne, à qui son bel habit donnait des airs de prince.

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– M. Malicorne, dit de Guiche à son ami.

De Wardes salua.

– M. de Wardes, dit de Guiche à Malicorne.

Malicorne salua à son tour.

– Voyons, de Wardes, continua de Guiche, dites-nous cela, vous qui êtes à l'affût de ces sortes de choses : quelles charges y a-t-il encore à donner à la cour, ou plutôt dans la maison de Monsieur ?

– Dans la maison de Monsieur ? dit de Wardes en levant les yeux en l'air pour chercher. Attendez donc… celle de grand écuyer, je crois.

– Oh ! s'écria Malicorne, ne parlons point de pareils postes, monsieur ; mon ambition ne va pas au quart du chemin.

De Wardes avait le coup d'œil plus défiant que de Guiche, il devina tout de suite Malicorne.

– Le fait est, dit-il en le toisant, que, pour occuper cette charge, il faut être duc et pair.

– Tout ce que je demande, moi, dit Malicorne, c'est une charge très humble ; je suis peu et ne m'estime point au-dessus de ce que je suis.

– Monsieur Malicorne, que vous voyez, dit de Guiche à de Wardes, est un charmant garçon qui n'a d'autre malheur que de ne pas être gentilhomme. Mais, vous le savez, moi, je fais peu de cas de l'homme qui n'est que gentilhomme.

– D'accord, dit de Wardes ; mais seulement je vous ferai observer, mon cher comte, que, sans qualité, on ne peut raisonnablement espérer d'entrer chez Monsieur.

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– C'est vrai, dit le comte, l'étiquette est formelle. Diable !

diable ! nous n'avions pas pensé à cela.

– Hélas ! voilà un grand malheur pour moi, dit Malicorne en pâlissant légèrement, un grand malheur, monsieur le comte.

– Mais qui n'est pas sans remède, j'espère, répondit de Guiche.

– Pardieu ! s'écria de Wardes, le remède est tout trouvé ; on vous fera gentilhomme, mon cher monsieur : Son Éminence le cardinal Mazarini ne faisait pas autre chose du matin au soir.

– Paix, paix, de Wardes ! dit le comte, pas de mauvaise plaisanterie ; ce n'est point entre nous qu'il convient de plaisanter de la sorte ; la noblesse peut s'acheter, c'est vrai, mais c'est un assez grand malheur pour que les nobles n'en rient pas.

– Ma foi ! tu es bien puritain, comme disent les Anglais.

– M. le vicomte de Bragelonne, annonça un valet dans la cour, comme il eût fait dans un salon.

– Ah ! cher Raoul, viens, viens donc. Tout botté aussi ! tout éperonné aussi ! Tu pars donc ?

Bragelonne s'approcha du groupe de jeunes gens, et salua de cet air grave et doux qui lui était particulier. Son salut s'adressa surtout à de Wardes, qu'il ne connaissait point, et dont les traits s'étaient armés d'une étrange froideur en voyant apparaître Raoul.