Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 61

trable. De Guiche se promit d'avoir plus de satisfaction avec Raoul.

Sur ces entrefaites, on arriva au Palais-Royal, qui était entouré d'une foule de curieux.

La maison de Monsieur attendait ses ordres pour monter à cheval et faire escorte aux ambassadeurs chargés de ramener la jeune princesse. Ce luxe de chevaux, d'armes et de livrées compensait en ce temps-là, grâce au bon vouloir des peuples et aux tradi-tions de respectueux attachement pour les rois, les énormes dé-

penses couvertes par l'impôt.

Mazarin avait dit : « Laissez-les chanter, pourvu qu'ils paient. » Louis XIV disait : « Laissez-les voir. » La vue avait remplacé la voix : on pouvait encore regarder, mais on ne pouvait plus chanter.

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M. de Guiche laissa de Wardes et Malicorne au pied du grand escalier ; mais lui, qui partageait la faveur de Monsieur avec le chevalier de Lorraine, qui lui faisait les blanches dents, mais ne pouvait le souffrir, il monta droit chez Monsieur.

Il trouva le jeune prince qui se mirait en se posant du rouge.

Dans l'angle du cabinet, sur des coussins, M. le chevalier de Lorraine était étendu, venant de faire friser ses longs cheveux blonds, avec lesquels il jouait comme eût fait une femme.

Le prince se retourna au bruit, et, apercevant le comte :

– Ah ! c'est toi, Guiche, dit-il ; viens ça et dis-moi la vérité.

– Oui, monseigneur, vous savez que c'est mon défaut.

– Figure-toi, Guiche, que ce méchant chevalier me fait de la peine.

Le chevalier haussa les épaules.

– Et comment cela ? demanda de Guiche. Ce n'est pas l'habitude de M. le chevalier.

– Eh bien ! il prétend, continua le prince, il prétend que Mlle Henriette est mieux comme femme que je ne suis comme homme.

– Prenez garde, monseigneur, dit de Guiche en fronçant le sourcil, vous m'avez demandé la vérité.

– Oui, dit Monsieur presque en tremblant.

– Eh bien ! je vais vous la dire.

– Ne te hâte pas, Guiche, s'écria le prince, tu as le temps ; regarde-moi avec attention et rappelle-toi bien Madame ; d'ailleurs, voici son portrait ; tiens.

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Et il lui tendit la miniature, du plus fin travail. De Guiche prit le portrait et le considéra longtemps.

– Sur ma foi, dit-il, voilà, monseigneur, une adorable figure.

– Mais regarde-moi à mon tour, regarde-moi donc, s'écria le prince essayant de ramener à lui l'attention du comte, absorbée tout entière par le portrait.

– En vérité, c'est merveilleux ! murmura de Guiche.

– Eh ! ne dirait-on pas, continua Monsieur, que tu n'as jamais vu cette petite fille.