Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 76

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Le canon des forts retentissait ; le vaisseau amiral et les deux autres échangeaient leurs salves, et des nuages de flammes s'envo-laient des bouches béantes en flocons ouatés de fumée au-dessus des flots, puis s'évaporaient dans l'azur du ciel.

La princesse descendit aux degrés du quai. Une musique joyeuse l'attendait à terre et accompagnait chacun de ses pas.

Tandis que, s'avançant dans le centre de la ville, elle foulait de son pied délicat les riches tapisseries et les jonchées de fleurs, de Guiche et Raoul, se dérobant du milieu des Anglais, prenaient leur chemin par la ville et s'avançaient rapidement vers l'endroit dé-

signé pour la résidence de Madame.

– Hâtons-nous, disait Raoul à de Guiche, car, du caractère que je lui connais, ce Buckingham nous fera quelque malheur en voyant le résultat de notre délibération d'hier.

– Oh ! dit le comte, nous avons là de Wardes, qui est la fermeté en personne, et Manicamp, qui est la douceur même.

De Guiche n'en fit pas moins diligence, et, cinq minutes après, ils étaient en vue de l'Hôtel de Ville.

Ce qui les frappa d'abord, c'était une grande quantité de gens assemblés sur la place.

– Bon ! dit de Guiche, il paraît que nos logements sont construits.

En effet, devant l'hôtel, sur la place même, s'élevaient huit tentes de la plus grande élégance, surmontées des pavillons de France et d'Angleterre unis.

L'Hôtel de Ville était entouré par des tentes comme d'une ceinture bigarrée ; dix pages et douze chevau-légers donnés pour escorte aux ambassadeurs montaient la garde devant ces tentes. Le spectacle était curieux, étrange ; il avait quelque chose de féerique.

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Ces habitations improvisées avaient été construites dans la nuit. Re-vêtues au-dedans et au-dehors des plus riches étoffes que de Guiche avait pu se procurer au Havre, elles encerclaient entièrement l'Hôtel de Ville, c'est-à-dire la demeure de la jeune princesse ; elles étaient réunies les unes aux autres par de simples câbles de soie, tendus et gardés par des sentinelles, de sorte que le plan de Buckingham se trouvait complètement renversé, si ce plan avait été réellement de garder pour lui et ses Anglais les abords de l'Hôtel de Ville.

Le seul passage qui donnât accès aux degrés de l'édifice, et qui ne fût point fermé par cette barricade soyeuse, était gardé par deux tentes pareilles à deux pavillons, et dont les portes s'ouvraient aux deux côtés de cette entrée.

Ces deux tentes étaient celles de de Guiche et de Raoul, et en leur absence devaient toujours être occupées : celle de de Guiche, par de Wardes ; celle de Raoul par Manicamp.