Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 79

– Qu'est-ce à dire ? s'écria Buckingham d'une façon si emportée, que les assistants se reculèrent, s'attendant à une collision im-médiate.

– C'est-à-dire, monsieur, répondit de Guiche en pâlissant, que j'ai fait construire ce logement pour moi et mes amis, comme l'asile des ambassadeurs de France, comme le seul abri que votre exigence nous ait laissé dans la ville, et que dans ce logement j'habiterai, moi et les miens, à moins qu'une volonté plus puissante et surtout plus souveraine que la vôtre ne me renvoie.

– C'est-à-dire ne nous déboute, comme on dit au palais, dit doucement Manicamp.

– J'en connais un, monsieur, qui sera tel, je l'espère, que vous le désirez, dit Buckingham en mettant la main à la garde de son épée.

En ce moment, et comme la déesse Discorde allait, enflam-mant les esprits, tourner toutes les épées contre des poitrines humaines, Raoul posa doucement sa main sur l'épaule de Buckingham.

– Un mot, milord, dit-il.

– Mon droit ! mon droit d'abord ! s'écria le fougueux jeune homme.

– C'est justement sur ce point que je vais avoir l'honneur de vous entretenir, dit Raoul.

– Soit, mais pas de longs discours, monsieur.

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– Une seule question ; vous voyez qu'on ne peut pas être plus bref.

– Parlez, j'écoute.

– Est-ce vous ou M. le duc d'Orléans qui allez épouser la petite-fille du roi Henri IV ?

– Plaît-il ? demanda Buckingham en se reculant tout effaré.

– Répondez-moi, je vous prie, monsieur, insista tranquillement Raoul.

– Votre intention est-elle de me railler, monsieur ? demanda Buckingham.

– C'est toujours répondre, monsieur, et cela me suffit. Donc, vous l'avouez, ce n'est pas vous qui allez épouser la princesse d’Angleterre.

– Vous le savez bien, monsieur, ce me semble.

– Pardon, mais c'est que, d'après votre conduite, la chose n'était plus claire.

– Voyons, au fait, que prétendez-vous dire, monsieur ?

Raoul se rapprocha du duc.

– Vous avez, dit-il en baissant la voix, des fureurs qui ressemblent à des jalousies ; savez-vous cela, milord ? or, ces jalousies, à propos d'une femme, ne vont point à quiconque n'est ni son amant, ni son époux ; à bien plus forte raison, je suis sûr que vous comprendrez cela, milord, quand cette femme est une princesse.

– Monsieur, s'écria Buckingham, insultez-vous Madame Henriette ?

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– C'est vous, répondit froidement Bragelonne, c'est vous qui l'insultez, milord, prenez-y garde. Tout à l'heure, sur le vaisseau amiral, vous avez poussé à bout la reine et lassé la patience de l'amiral. Je vous observais, milord, et vous ai cru fou d'abord ; mais depuis j'ai deviné le caractère réel de cette folie.