Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 8

– Et, dit d'Artagnan, après l'Angleterre, qu'ai-je fait ?

– Ah ! voilà ! fit Aramis, vous voulez forcer ma vue. Je ne sais plus rien depuis votre retour, d'Artagnan ; mes yeux se sont troublés. J'ai regretté que vous ne pensiez point à moi. J'ai pleuré votre oubli. J'avais tort. Je vous revois, et c'est une fête, une grande fête, je vous le jure… Comment se porte Athos ?

– Très bien, merci.

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– Et notre jeune pupille ?

– Raoul ?

– Oui.

– Il paraît avoir hérité de l'adresse de son père Athos et de la force de son tuteur Porthos.

– Et à quelle occasion avez-vous pu juger de cela ?

– Eh ! mon Dieu ! la veille même de mon départ.

– Vraiment ?

– Oui, il y avait exécution en Grève, et, à la suite de cette exé-

cution, émeute. Nous nous sommes trouvés dans l'émeute, et, à la suite de l'émeute, il a fallu jouer de l'épée ; il s'en est tiré à merveille.

– Bah ! et qu'a-t-il fait ? dit Porthos.

– D'abord il a jeté un homme par la fenêtre, comme il eût fait d'un ballot de coton.

– Oh ! très bien ! s'écria Porthos.

– Puis il a dégainé, pointé, estocadé, comme nous faisions dans notre beau temps, nous autres.

– Et à quel propos cette émeute ? demanda Porthos.

D'Artagnan remarqua sur la figure d'Aramis une complète indifférence à cette question de Porthos.

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– Mais, dit-il en regardant Aramis, à propos de deux traitants à qui le roi faisait rendre gorge, deux amis de M. Fouquet que l'on pendait.

À peine un léger froncement de sourcils du prélat indiqua-t-il qu'il avait entendu.

– Oh ! oh ! fit Porthos, et comment les nommait-on, ces amis de M. Fouquet ?

– MM. d'Emerys et Lyodot, dit d'Artagnan. Connaissez-vous ces noms-là, Aramis ?

– Non, fit dédaigneusement le prélat ; cela m'a l'air de noms de financiers.

– Justement.

– Oh ! M. Fouquet a laissé pendre ses amis ? s'écria Porthos.

– Et pourquoi pas ? dit Aramis.

– C'est qu'il me semble…

– Si on a pendu ces malheureux, c'était par ordre du roi. Or, M. Fouquet, pour être surintendant des finances, n'a pas, je pense, droit de vie et de mort.

– C'est égal, grommela Porthos, à la place de M. Fouquet…

Aramis comprit que Porthos allait dire quelque sottise. Il brisa la conversation.

– Voyons, dit-il, mon cher d'Artagnan, c'est assez parler des autres ; parlons un peu de vous.

– Mais, de moi, vous en savez tout ce que je puis vous en dire.

Parlons de vous, au contraire, cher Aramis.

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– Je vous l'ai dit, mon ami, il n'y a plus d'Aramis en moi.

– Plus même de l'abbé d'Herblay ?

– Plus même. Vous voyez un homme que Dieu a pris par la main et qu'il a conduit à une position qu'il ne devait ni n'osait espé-