Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 33


– Eh quoi ! dit ce dernier avec étonnement, le roi me donne la liberté ?


– Lisez, cher ami, repartit d’Artagnan.


Athos prit l’ordre et lut.


– C’est vrai, dit-il.

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– En seriez-vous fâché ? demanda d’Artagnan.


– Oh ! non, au contraire. Je ne veux pas de mal au roi, et le plus grand mal qu’on puisse souhaiter aux rois, c’est qu’ils commettent une injustice. Mais vous avez eu du mal, n’est-ce pas ? oh ! avouez-le mon ami.


– Moi ? Pas du tout ! fit en riant le mousquetaire. Le roi fait tout ce que je veux.


Aramis regarda d’Artagnan et vit bien qu’il mentait.


Mais Baisemeaux ne regarda rien que d’Artagnan, tant il était saisi d’une admiration profonde pour cet homme qui faisait faire au roi tout ce qu’il voulait.


– Et le roi exile Athos ? demanda Aramis.


– Non, pas précisément ; le roi ne s’est pas même expliqué là-

dessus, reprit d’Artagnan ; mais je crois que le comte n’a rien de mieux à faire, à moins qu’il ne tienne à remercier le roi…


– Non, en vérité, répondit en souriant Athos.


– Eh bien ! je crois que le comte n’a rien de mieux à faire, reprit d’Artagnan, que de se retirer dans son château. Au reste, mon cher Athos, parlez, demandez ; si une résidence vous est plus agréable que l’autre, je me fais fort de vous faire obtenir celle-là.


– Non, merci, dit Athos ; rien ne peut m’être plus agréable, cher ami, que de retourner dans ma solitude, sous mes grands arbres, au bord de la Loire. Si Dieu est le suprême médecin des maux de l’âme, la nature est le souverain remède. Ainsi, monsieur, continua Athos en se retournant vers Baisemeaux, me voilà donc libre ?


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– Oui, monsieur le comte, je le crois, je l’espère, du moins, dit le gouverneur en tournant et retournant les deux papiers, à moins, toutefois, que M. d’Artagnan n’ait un troisième ordre.


– Non, cher monsieur de Baisemeaux, non, dit le mousquetaire, il faut vous en tenir au second et nous arrêter là.


– Ah ! monsieur le comte, dit Baisemeaux s’adressant à Athos, vous ne savez pas ce que vous perdez ! Je vous eusse mis à trente livres, comme les généraux ; que dis-je ! à cinquante livres, comme les princes, et vous eussiez soupé tous les soirs comme vous avez soupé ce soir.


– Permettez-moi, monsieur, dit Athos, de préférer ma médiocrité.


Puis, se retournant vers d’Artagnan :


– Partons, mon ami, dit-il.


– Partons, dit d’Artagnan.


– Est-ce que j’aurai cette joie, demanda Athos, de vous posséder pour compagnon, mon ami ?


– Jusqu’à la porte seulement, très cher, répondit d’Artagnan ; après quoi, je vous dirai ce que j’ai dit au roi : « Je suis de service. »