Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 32


D’Artagnan comprit et répondit par un autre signe. Aramis et Baisemeaux, voyant ce dialogue muet, interrogeaient du regard.

Athos crut que c’était à lui de donner l’explication de ce qui se passait.

– 69 –


– La vérité, mes amis, dit le comte de La Fère avec un sourire, c’est que vous, Aramis, vous venez de souper avec un criminel d’État, et vous, monsieur de Baisemeaux, avec votre prisonnier.


Baisemeaux poussa une exclamation de surprise et presque de joie. Ce cher M.

de

Baisemeaux avait l’amour-propre de sa

forteresse. À part le profit, plus il avait de prisonniers, plus il était heureux ; plus ces prisonniers étaient grands, plus il était fier.


Quant à Aramis, prenant une figure de circonstance :


– Oh ! cher Athos, dit-il, pardonnez-moi, mais, je me doutais presque de ce qui arrive. Quelque incartade de Raoul ou de La Vallière, n’est-ce pas ?


– Hélas ! fit Baisemeaux.


– Et, continua Aramis, vous, en grand seigneur que vous êtes, oubliant qu’il n’y a plus que des courtisans, vous avez été trouver le roi et vous lui avez dit son fait ?


– Vous avez deviné, mon ami.


– De sorte, dit de Baisemeaux, tremblant d’avoir soupé si familièrement avec un homme tombé dans la disgrâce de Sa Majesté ; de sorte, monsieur le comte ?…


– De sorte, mon cher gouverneur, dit Athos, que mon ami M. d’Artagnan va vous communiquer ce papier qui passe par l’ouverture de son buffle, et qui n’est autre, certainement, que mon ordre d’écrou.


De Baisemeaux tendit la main avec sa souplesse d’habitude.


– 70 –


D’Artagnan tira, en effet, deux papiers de sa poitrine, et en présenta un au gouverneur. Baisemeaux déplia le papier et lut à demi-voix, tout en regardant Athos par-dessus le papier, en s’interrompant :


– « Ordre de détenir dans mon château de la Bastille… » Très bien… « Dans mon château de la Bastille… M. le comte de La Fère. » oh ! monsieur, que c’est pour moi un douloureux honneur de vous posséder !


– Vous aurez un patient prisonnier, monsieur dit Athos de sa voix suave et calme.


– Et un prisonnier qui ne restera pas un mois chez vous, mon cher gouverneur, dit Aramis, tandis que de Baisemeaux, l’ordre à la main, transcrivait sur son registre d’écrou la volonté royale.


– Pas même un jour, ou plutôt, pas même une nuit, dit d’Artagnan en exhibant le second ordre du roi ; car maintenant, cher monsieur de Baisemeaux, il vous faudra transcrire aussi cet ordre de mettre immédiatement le comte en liberté.


– Ah ! fit Aramis, c’est de la besogne que vous m’épargnez, d’Artagnan.


Et il serra d’une façon significative la main du mousquetaire en même temps que celle d’Athos.