Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 38


– Monsieur, dit-il à Porthos, vous venez de me faire naître une idée : il faut absolument voir M. d’Artagnan.


– Sans doute.


– Il doit être rentré chez lui, après avoir conduit mon père à la Bastille.


– Informons-nous d’abord à la Bastille, dit Grimaud, qui parlait peu, mais bien.


En effet, ils se hâtèrent d’arriver devant la forteresse. Un de ces hasards, comme Dieu les donne aux gens de grande volonté, fit que Grimaud aperçut tout à coup le carrosse qui tournait la grande porte du pont-levis. C’était au moment où d’Artagnan, comme on l’a vu, revenait de chez le roi.


En vain Raoul poussa-t-il son cheval pour joindre le carrosse et voir quelles personnes étaient dedans. Les chevaux étaient déjà arrêtés de l’autre côté de cette grande porte, qui se referma, tandis qu’un garde française en faction heurta du mousquet le nez du cheval de Raoul.


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Celui-ci fit volte-face, trop heureux de savoir à quoi s’en tenir sur la présence de ce carrosse qui avait renfermé son père.


– Nous le tenons, dit Grimaud.


– En attendant un peu, nous sommes sûrs qu’il sortira, n’est-ce pas, mon ami ?


– À moins que d’Artagnan aussi ne soit prisonnier répliqua Porthos ; auquel cas tout est perdu.


Raoul ne répondit rien. Tout était admissible. Il donna le conseil à Grimaud de conduire les chevaux dans la petite rue Jean-Beausire, afin d’éveiller moins de soupçons, et lui-même, avec sa vue perçante, il guetta la sortie de d’Artagnan ou celle du carrosse.


C’était le bon parti. En effet, vingt minutes ne s’étaient pas écoulées, que la porte se rouvrit et que le carrosse reparut. Un éblouissement empêcha Raoul de distinguer quelles figures occupaient cette voiture. Grimaud jura qu’il avait vu deux personnes, et que son maître était une des deux. Porthos regardait tour à tour Raoul et Grimaud, espérant comprendre leur idée.


– Il est évident, dit Grimaud, que, si M. le comte est dans ce carrosse, c’est qu’on le met en liberté, ou qu’on le mène à une autre prison.


– Nous l’allons bien voir par le chemin qu’il prendra, dit Porthos.


– Si on le met en liberté, dit Grimaud, on le conduira chez lui.


– C’est vrai, dit Porthos.


– Le carrosse n’en prend pas le chemin, dit Raoul.


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Et, en effet, les chevaux venaient de disparaître dans le faubourg Saint Antoine.


– Courons, dit Porthos ; nous attaquerons le carrosse sur la route, et nous dirons à Athos de fuir.


– Rébellion ! murmura Raoul.


Porthos lança à Raoul un second regard, digne pendant du premier. Raoul n’y répondit qu’en serrant les flancs de son cheval.


Peu d’instants après, les trois cavaliers avaient rattrapé le carrosse et le suivaient de si près, que l’haleine des chevaux humectait la caisse de la voiture.