Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 43


– Eh bien ! reprit Aramis, si, disais-je, vous ne faites point partie d’une société secrète, mystérieuse, comme vous voudrez, l’épithète n’y fait rien ; si, dis-je, vous ne faites point partie d’une société pareille à celle que je veux désigner, eh bien ! vous ne comprendrez pas un mot à ce que je vais dire : voilà tout.


– Oh ! soyez sûr d’avance que je ne comprendrai rien.


– 94 –


– À merveille, alors.


– Essayez, voyons.


– C’est ce que je vais faire. Si, au contraire, vous êtes un des membres de cette société, vous allez tout de suite me répondre oui ou non.


– Faites la question, poursuivit Baisemeaux en tremblant.


– Car, vous en conviendrez, cher monsieur Baisemeaux, continua Aramis avec la même impassibilité, il est évident que l’on ne peut faire partie d’une société, il est évident qu’on ne peut jouir des avantages que la société produit aux affiliés, sans être astreint soi-même à quelques petites servitudes ?


– En effet, balbutia Baisemeaux, cela se concevrait si…


– Eh bien ! donc, reprit Aramis, il y a dans la société dont je vous parlais, et dont, à ce qu’il paraît, vous ne faites point partie…


– Permettez, dit Baisemeaux, je ne voudrais cependant pas dire absolument…


– Il y a un engagement pris par tous les gouverneurs et capitaines de forteresse affiliés à l’ordre.


Baisemeaux pâlit.


– Cet engagement, continua Aramis d’une voix ferme, le voici.


Baisemeaux se leva, en proie à une indicible émotion.


– Voyons, cher monsieur d’Herblay, dit-il, voyons.


– 95 –


Aramis dit alors ou plutôt récita le paragraphe suivant, de la même voix que s’il eût lu dans un livre :


« Ledit capitaine ou gouverneur de forteresse laissera entrer quand besoin sera, et sur la demande du prisonnier, un confesseur affilié à l’ordre. »


Il s’arrêta. Baisemeaux faisait peine à voir, tant il était pâle et tremblant.


– Est-ce bien là le texte de l’engagement

? demanda

tranquillement Aramis.


– Monseigneur !… fit Baisemeaux.


– Ah ! bien, vous commencez à comprendre, je crois ?


– Monseigneur, s’écria Baisemeaux, ne vous jouez pas ainsi de mon pauvre esprit ; je me trouve bien peu de chose auprès de vous, si vous avez le malin désir de me tirer les petits secrets de mon administration.


– Oh ! non pas, détrompez-vous, cher Monsieur de Baisemeaux

; ce n’est point aux petits secrets de votre administration que j’en veux, c’est à ceux de votre conscience.


– Eh bien ! soit, de ma conscience, cher monsieur d’Herblay.

Mais ayez un peu d’égard à ma situation, qui n’est point ordinaire.


– Elle n’est point ordinaire, mon cher monsieur, poursuivit l’inflexible Aramis, si vous êtes agrégé à cette société ; mais elle est toute naturelle, si, libre de tout engagement, vous n’avez à répondre qu’au roi.