Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 49


Aramis s’essuya le front.


– Quant aux étoiles, qui sont douces à voir, continua le jeune homme, elles se ressemblent toutes, sauf l’éclat et la grandeur. Moi, je suis favorisé ; car, si vous n’eussiez allumé cette bougie, vous eussiez pu voir la belle étoile que je voyais de mon lit avant votre arrivée, et dont le rayonnement caressait mes yeux.


Aramis baissa la tête : il se sentait submergé, sous le flot amer de cette sinistre philosophie qui est la religion de la captivité.


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– Voilà donc pour les fleurs, pour l’air, pour le jour et pour les étoiles, dit le jeune homme avec la même tranquillité. Reste la promenade. Est-ce que, toute la journée, je ne me promène pas dans le jardin du gouverneur s’il fait beau, ici s’il pleut, au frais s’il fait chaud, au chaud s’il fait froid, grâce à ma cheminée pendant l’hiver ? Ah ! croyez-moi, monsieur, ajouta le prisonnier avec une expression qui n’était pas exempte d’une certaine amertume, les hommes ont fait pour moi tout ce que peut espérer, tout ce que peut désirer un homme.


– Les hommes, soit ! dit Aramis en relevant la tête ; mais il me semble que vous oubliez Dieu.


– J’ai, en effet, oublié Dieu, répondit le prisonnier sans s’émouvoir ; mais, pourquoi me dites-vous cela ? À quoi bon parler de Dieu aux prisonniers ?


Aramis regarda en face ce singulier jeune homme qui avait la résignation d’un martyr avec le sourire d’un athée.


– Est-ce que Dieu n’est pas dans toutes choses ? murmura-t-il d’un ton de reproche.


– Dites au bout de toute chose, répondit le prisonnier fermement.


– Soit ! dit Aramis ; mais revenons au point d’où nous sommes partis.


– Je ne demande pas mieux, fit le jeune homme.


– Je suis votre confesseur.


– Oui.


– Eh bien ! comme mon pénitent, vous me devez la vérité.

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– Je ne demande pas mieux que de vous la dire.


– Tout prisonnier a commis le crime qui l’a fait mettre en prison. Quel crime avez-vous commis, vous ?


– Vous m’avez déjà demandé cela, la première fois que vous m’avez vu, dit le prisonnier.


– Et vous avez éludé ma réponse, cette fois, comme aujourd’hui.


– Et pourquoi, aujourd’hui, pensez-vous que je vous répondrai ?


– Parce que, aujourd’hui, je suis votre confesseur.


– Alors, si vous voulez que je vous dise quel crime j’ai commis, expliquez-moi ce que c’est qu’un crime. Or, comme je ne sais rien en moi qui me fasse des reproches, je dis que je ne suis pas criminel.


– On est criminel parfois aux yeux des grands de la terre, non seulement pour avoir commis des crimes, mais parce que l’on sait que des crimes ont été commis.