Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 60


– Comment savez-vous cela ?


– Par une pièce de monnaie, à la date de 1610, qui représentait le roi Henri IV ; par une pièce de monnaie à la date de 1612, qui représentait le roi Louis XIII. Je présumai, puisqu’il n’y avait que deux ans entre les deux pièces, que Louis XIII devait être le successeur de Henri IV.

– 131 –


– Alors, dit Aramis, vous savez que le dernier roi régnant était Louis XIII ?


– Je le sais, dit le jeune homme en rougissant légèrement.


– Eh bien ! ce fut un prince plein de bonnes idées, plein de grands projets, projets toujours ajournés par le malheur des temps et par les luttes qu’eut à soutenir contre la seigneurie de France son ministre Richelieu. Lui, personnellement je parle du roi Louis XIII, était faible de caractère. Il mourut jeune encore et tristement.


– Je sais cela.


– Il avait été longtemps préoccupé du soin de sa postérité. C’est un soin douloureux pour les princes, qui ont besoin de laisser sur la terre plus qu’un souvenir, pour que leur pensée se poursuive, pour que leur œuvre continue.


– Le roi Louis XIII est-il mort sans enfants ? demanda en souriant le prisonnier.


– Non, mais il fut privé longtemps du bonheur d’en avoir ; non, mais longtemps il crut qu’il mourrait tout entier. Et cette pensée l’avait réduit à un profond désespoir, quand tout à coup sa femme, Anne d’Autriche…


Le prisonnier tressaillit.


– Saviez-vous, continua Aramis, que la femme de Louis XIII s’appelât Anne d’Autriche ?


– Continuez, dit le jeune homme sans répondre.


– Quand tout à coup, reprit Aramis, la reine Anne d’Autriche annonça qu’elle était enceinte. La joie fut grande à cette nouvelle,

– 132 –


et tous les vœux tendirent à une heureuse délivrance. Enfin, le 5

septembre 1638, elle accoucha d’un fils.


Ici Aramis regarda son interlocuteur, et crut s’apercevoir qu’il pâlissait.


– Vous allez entendre, dit Aramis, un récit que peu de gens sont en état de faire à l’heure qu’il est ; car ce récit est un secret que l’on croit mort avec les morts, ou enseveli dans l’abîme de la confession.


– Et vous allez me dire ce secret ? fit le jeune homme.


– Oh ! dit Aramis avec un accent auquel il n’y avait pas à se méprendre, ce secret, je ne crois pas l’aventurer en le confiant à un prisonnier qui n’a aucun désir de sortir de la Bastille.


– J’écoute, monsieur.


– La reine donna donc le jour à un fils. Mais quand toute la Cour eut poussé des cris de joie à cette nouvelle, quand le roi eut montré le nouveau-né à son peuple, et à sa noblesse, quand il se fut gaiement mis à table pour fêter cette heureuse naissance, alors la reine, restée seule dans sa chambre, fut prise, pour la seconde fois, des douleurs de l’enfantement, et donna le jour à un second fils.