Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 62


– Quoi ? demanda Aramis.


– Un portrait du roi Louis XIV, qui règne en ce moment sur le trône de France.


– Voici le portrait, répliqua l’évêque en donnant au prisonnier un émail des plus exquis, sur lequel Louis XIV apparaissait fier, beau, et vivant pour ainsi dire.


Le prisonnier saisit avidement le portrait, et fixa ses yeux sur lui comme s’il eût voulu le dévorer.


– Et maintenant, monseigneur, dit Aramis voici un miroir.


Aramis laissa le temps au prisonnier de renouer ses idées.

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– Si haut ! si haut ! murmura le jeune homme en dévorant du regard le portrait de Louis XIV et son image à lui-même réfléchie dans le miroir.


– Qu’en pensez-vous ? dit alors Aramis.


– Je pense que je suis perdu, répondit le captif, que le roi ne me pardonnera jamais.


– Et moi, je me demande, ajouta l’évêque en attachant sur le prisonnier un regard brillant de signification, je me demande lequel des deux est le roi, de celui que représente ce portrait, ou de celui que reflète cette glace.


– Le roi, monsieur, est celui qui est sur le trône, répliqua tristement le jeune homme, c’est celui qui n’est pas en prison, et qui, au contraire, y fait mettre les autres. La royauté, c’est la puissance, et vous voyez bien que je suis impuissant.


– Monseigneur, répondit Aramis avec un respect qu’il n’avait pas encore témoigné, le roi, prenez-y bien garde, sera, si vous le voulez, celui qui, sortant de prison, saura se tenir sur le trône où des amis le placeront.


– Monsieur, ne me tentez point, fit le prisonnier avec amertume.


– Monseigneur, ne faiblissez pas, persista Aramis avec vigueur. J’ai apporté toutes les preuves de votre naissance : consultez-les, prouvez-vous à vous-même que vous êtes un fils de roi, et, après, agissons.


– Non, non, c’est impossible.


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– À moins, reprit ironiquement l’évêque, qu’il ne soit dans la destinée de votre race que les frères exclus du trône soient tous des princes sans valeur et sans honneur, comme M. Gaston d’Orléans, votre oncle, qui, dix fois, conspira contre le roi Louis XIII, son frère.


– Mon oncle Gaston d’Orléans conspira contre son frère ?

s’écria le prince épouvanté ; il conspira pour le détrôner ?


– Mais oui, monseigneur, pas pour autre chose.


– Que me dites-vous là, monsieur ?


– La vérité.


– Et il eut des amis… dévoués ?


– Comme moi pour vous.


– Eh bien ! que fit-il ? il échoua ?


– Il échoua, mais toujours par sa faute, et, pour racheter, non pas sa vie, car la vie du frère du roi est sacrée, inviolable, mais pour racheter sa liberté, votre oncle sacrifia la vie de tous ses amis les uns après les autres. Aussi est-il aujourd’hui la honte de l’histoire et l’exécration de cent nobles familles de ce royaume.