Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 81


Puis tout haut :


– Eh bien, partons ; moi, je n’ai plus affaire ici, et, si vous êtes aussi libre que moi, cher Aramis…


– Non ; moi, je voulais…


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– Ah ! vous aviez quelque chose à dire en particulier à Percerin ? Que ne me préveniez-vous de cela tout de suite !


– De particulier, répéta Aramis, oui, certes, mais pas pour vous, d’Artagnan. Jamais, je vous prie de le croire, je n’aurai rien d’assez particulier pour qu’un ami tel que vous ne puisse l’entendre.


– Oh ! non, non, je me retire, insista d’Artagnan, mais en donnant à sa voix un accent sensible de curiosité ; car la gêne d’Aramis, si bien dissimulée qu’elle fût, ne lui avait point échappé, et il savait que, dans cette âme impénétrable, tout, même les choses les plus futiles en apparence, marchaient d’ordinaire vers un but, but inconnu mais que, d’après la connaissance qu’il avait du caractère de son ami, le mousquetaire comprenait devoir être important.


Aramis, de son côté, vit que d’Artagnan n’était pas sans soupçon, et il insista :


– Restez, de grâce, dit-il, voici ce que c’est.


Puis, se retournant vers le tailleur :


– Mon cher Percerin… dit-il. Je suis même très heureux que vous soyez là, d’Artagnan.


– Ah ! vraiment ? fit pour la troisième fois le Gascon encore moins dupe cette fois que les autres.


Percerin ne bougeait pas. Aramis le réveilla violemment en lui tirant des mains l’étoffe, objet de sa méditation.


– Mon cher Percerin, lui dit-il, j’ai ici près M. Le Brun, un des peintres de M. Fouquet.


– Ah ! très bien, pensa d’Artagnan ; mais pourquoi Le Brun ?

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Aramis regardait d’Artagnan, qui avait l’air de regarder des gravures de Marc-Antoine.


– Et vous voulez lui faire faire un habit pareil à ceux des épicuriens ? répondit Percerin.


Et, tout en disant cela d’une façon distraite, le digne tailleur cherchait à rattraper sa pièce de brocart.


– Un habit d’épicurien

? demanda d’Artagnan d’un ton

questionneur.


– Enfin, dit Aramis avec son plus charmant sourire, il est écrit que ce cher d’Artagnan saura tous nos secrets ce soir ; oui, mon ami, oui. Vous avez bien entendu parler des épicuriens de M. Fouquet, n’est-ce pas ?


– Sans doute. N’est-ce pas une espèce de société de poètes dont sont La Fontaine, Loret Pélisson, Molière, que sais-je ? et qui tient son académie à Saint-Mandé ?


– C’est cela justement. Eh bien, nous donnons un uniforme à nos poètes, et nous les enrégimentons au service du roi.


– Oh ! très bien, je devine : une surprise que M. Fouquet fait au roi. Oh ! soyez tranquille, si c’est là le secret de M. Le Brun, je ne le dirai pas.