Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 82


– Toujours charmant, mon ami. Non, M. Le Brun n’a rien à faire de ce côté ; le secret qui le concerne est bien plus important que l’autre encore !


– Alors, s’il est si important que cela, j’aime mieux ne pas le savoir, dit d’Artagnan en dessinant une fausse sortie.


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– Entrez, monsieur Le Brun, entrez, dit Aramis en ouvrant de la main droite une porte latérale, et en retenant de la gauche d’Artagnan.


– Ma foi ! je ne comprends plus, dit Percerin.


Aramis prit un temps, comme on dit en matière de théâtre.


– Mon cher monsieur Percerin, dit-il, vous faites cinq habits pour le roi, n’est-ce pas ? Un en brocart, un en drap de chasse, un en velours, un en satin, et un en étoffe de Florence ?


– Oui. Mais comment savez-vous tout cela, Monseigneur ?

demanda Percerin stupéfait.


– C’est tout simple, mon cher monsieur ; il y aura chasse, festin, concert, promenade et réception ; ces cinq étoffes sont d’étiquette.


– Vous savez tout, Monseigneur !


– Et bien d’autres choses encore, allez, murmura d’Artagnan.


– Mais, s’écria le tailleur avec triomphe, ce que vous ne savez pas, Monseigneur, tout prince de l’Église que vous êtes, ce que personne ne saura, ce que le roi seul, mademoiselle de La Vallière et moi savons, c’est la couleur des étoffes et le genre des ornements, c’est la coupe, c’est l’ensemble, c’est la tournure de tout cela !


– Eh bien, dit Aramis, voilà justement ce que je viens vous demander de me faire connaître, mon cher monsieur Percerin.


– Ah bas ! s’écria le tailleur épouvanté, quoique Aramis eût prononcé les paroles que nous rapportons de sa voix la plus douce et la plus mielleuse.

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La prétention parut, en y réfléchissant, si exagérée, si ridicule, si énorme à M. Percerin, qu’il rit d’abord tout bas, puis tout haut, et qu’il finit par éclater. D’Artagnan l’imita, non qu’il trouvât la chose aussi profondément risible, mais pour ne pas laisser refroidir Aramis. Celui-ci les laissa faire tous deux ; puis, lorsqu’ils furent calmés :


– Au premier abord, dit-il, j’ai l’air de hasarder une absurdité, n’est-ce pas ? Mais d’Artagnan, qui est la sagesse incarnée, va vous dire que je ne saurais faire autrement que de vous demander cela.


– Voyons, fit le mousquetaire attentif, et sentant avec son flair merveilleux qu’on n’avait fait qu’escarmoucher jusque-là et que le moment de la bataille approchait.


– Voyons, dit Percerin avec incrédulité.


– Pourquoi, continua Aramis, M. Fouquet donne-t-il une fête au roi ? N’est-ce pas pour lui plaire ?