Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 85


– Alors la chose manquera, dit Aramis tranquillement, et cela faute de vérité dans les couleurs.


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Cependant Le Brun copiait étoffes et ornements avec la plus grande fidélité, ce que regardait Aramis avec une impatience mal dissimulée.


– Voyons, voyons, quel diable d’imbroglio joue-t-on ici ?

continua de se demander le mousquetaire.


– Décidément, cela n’ira point, dit Aramis ; monsieur Le Brun, fermez vos boites et roulez vos toiles.


– Mais c’est qu’aussi, monsieur, s’écria le peintre dépité, le jour est détestable ici.


– Une idée, monsieur Le Brun, une idée ! Si on avait un échantillon des étoffes, par exemple, et qu’avec le temps et dans un meilleur jour…


– Oh ! alors, s’écria Le Brun, je répondrais de tout.


– Bon ! dit d’Artagnan, ce doit être là le nœud de l’action ; on a besoin d’un échantillon de chaque étoffe. Mordious ! Le donnera-t-il, ce Percerin ?


Percerin, battu dans ses derniers retranchements, dupe, d’ailleurs, de la feinte bonhomie d’Aramis, coupa cinq échantillons qu’il remit à l’évêque de Vannes.


– J’aime mieux cela. N’est-ce pas, dit Aramis à d’Artagnan, c’est votre avis, hein ?


– Mon avis, mon cher Aramis, dit d’Artagnan c’est que vous êtes toujours le même.


– Et, par conséquent, toujours votre ami, dit l’évêque avec un son de voix charmant.


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– Oui, oui, dit tout haut d’Artagnan. Puis tout bas : Si je suis ta dupe, double jésuite, je ne veux pas être ton complice, au moins, et, pour ne pas être ton complice, il est temps que je sorte d’ici.

Adieu, Aramis, ajouta-t-il tout haut ; adieu, je vais rejoindre Porthos.


– Alors attendez-moi, fit Aramis en empochant les échantillons, car j’ai fini, et je ne serai pas fâché de dire un dernier mot à notre ami.


Le Brun plia bagage, Percerin rentra ses habits dans l’armoire, Aramis pressa sa poche de la main pour s’assurer que les échantillons y étaient bien renfermés, et tous sortirent du cabinet.


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Chapitre CCXI – Où Molière prit peut-être sa

première idée du Bourgeois gentilhomme


D’Artagnan retrouva Porthos dans la salle voisine ; non plus Porthos irrité, non plus Porthos désappointé, mais Porthos épanoui, radieux, charmant, et causant avec Molière, qui le regardait avec une sorte d’idolâtrie et comme un homme qui, non seulement n’a jamais rien vu de mieux, mais qui encore n’a jamais rien vu de pareil.


Aramis alla droit à Porthos, lui présenta sa main fine et blanche, qui alla s’engloutir dans la main gigantesque de son vieil ami, opération qu’Aramis ne risquait jamais sans une espèce d’inquiétude. Mais, la pression amicale s’étant accomplie sans trop de souffrance, l’évêque de Vannes se retourna du côté de Molière.