Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 86


– Eh bien, monsieur, lui dit-il, viendrez-vous avec moi à Saint-Mandé ?


– J’irai partout où vous voudrez, Monseigneur, répondit Molière.


– À Saint-Mandé ! s’écria Porthos, surpris de voir ainsi le fier évêque de Vannes en familiarité avec un garçon tailleur. Quoi !

Aramis, vous emmenez monsieur à Saint-Mandé ?


– Oui, dit Aramis en souriant, le temps presse.


– Et puis mon cher Porthos, continua d’Artagnan, M. Molière n’est pas tout à fait ce qu’il paraît être.


– Comment ? demanda Porthos.


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– Oui, monsieur est un des premiers commis de maître Percerin, il est attendu à Saint-Mandé pour essayer aux épicuriens les habits de fête qui ont été commandés par M. Fouquet.


– C’est justement cela, dit Molière. Oui, monsieur.


– Venez donc, mon cher monsieur Molière, dit Aramis, si toutefois vous avez fini avec M. du Vallon.


– Nous avons fini, répliqua Porthos.


– Et vous êtes satisfait ? demanda d’Artagnan.


– Complètement satisfait, répondit Porthos.


Molière prit congé de Porthos avec force saluts et serra la main que lui tendit furtivement le capitaine des mousquetaires.


– Monsieur, acheva Porthos en minaudant, monsieur, soyez exact, surtout.


– Vous aurez votre habit dès demain, monsieur le baron, répondit Molière.


Et il partit avec Aramis.


Alors d’Artagnan, prenant le bras de Porthos :


– Que vous a donc fait ce tailleur, mon cher Porthos, demanda-t-il, pour que vous soyez si content de lui ?


– Ce qu’il m’a fait, mon ami ! Ce qu’il m’a fait ! s’écria Porthos avec enthousiasme.


– Oui, je vous demande ce qu’il vous a fait.

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– Mon ami, il a su faire ce qu’aucun tailleur n’avait jamais fait : il m’a pris mesure sans me toucher.


– Ah bah ! Contez-moi cela, mon ami.


– D’abord, mon ami, on a été chercher je ne sais où une suite de mannequins de toutes les tailles espérant qu’il s’en trouverait un de la mienne, mais le plus grand, qui était celui du tambour-major des Suisses, était de deux pouces trop court et d’un demi-pied trop maigre.


– Ah ! vraiment ?


– C’est comme j’ai l’honneur de vous le dire mon cher d’Artagnan. Mais c’est un grand homme ou tout au moins un grand tailleur que ce M. Molière ; il n’a pas été le moins du monde embarrassé pour cela.


– Et qu’a-t-il fait ?


– Oh ! une chose bien simple. C’est inouï, par ma foi !

Comment ! on est assez grossier pour n’avoir pas trouvé tout de suite ce moyen ? Que de peines et d’humiliations on m’eût épargnées !


– Sans compter les habits, mon cher Porthos.


– Oui, trente habits.


– Eh bien, mon cher Porthos, voyons, dites-moi la méthode de M. Molière.