Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 87


– Molière ? vous l’appelez ainsi, n’est-ce pas ? Je tiens à me rappeler son nom.


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– Oui, ou Poquelin, si vous l’aimez mieux.


– Non, j’aime mieux Molière. Quand je voudrai me rappeler son nom, je penserai à volière, et, comme j’en ai une à Pierrefonds…


– À merveille, mon ami. Et sa méthode, à ce M. Molière ?


– La voici. Au lieu de me démembrer comme font tous ces bélîtres, de me faire courber les reins, de me faire plier les articulations, toutes pratiques déshonorantes et basses…


D’Artagnan fit un signe approbatif de la tête.


– « Monsieur, m’a-t-il dit, un galant homme doit se mesurer lui-même. Faites-moi le plaisir de vous approcher de ce miroir. »

Alors je me suis approché du miroir. Je dois avouer que je ne comprenais pas parfaitement ce que ce brave M. Volière voulait de moi.


– Molière.


– Ah ! oui, Molière, Molière. Et, comme la peur d’être mesuré me tenait toujours : « Prenez garde, lui ai-je dit, à ce que vous m’allez faire ; je suis fort chatouilleux, je vous en préviens. » Mais lui, de sa voix douce car c’est un garçon courtois, mon ami, il faut en convenir, mais lui, de sa voix douce : « Monsieur, dit-il, pour que l’habit aille bien, il faut qu’il soit fait à votre image. Votre image est exactement réfléchie par le miroir. Nous allons prendre mesure sur votre image. »


– En effet, dit d’Artagnan, vous vous voyiez au miroir ; mais comment a-t on trouvé un miroir où vous pussiez vous voir tout entier ?


– Mon cher, c’est le propre miroir où le roi se regarde.

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– Oui ; mais le roi a un pied et demi de moins que vous.


– Eh bien, je ne sais pas comment cela se fait c’était sans doute une manière de flatter le roi, mais le miroir était trop grand pour moi. Il est vrai que sa hauteur était faite de trois glaces de Venise superposées et sa largeur des mêmes glaces juxtaposées.


– Oh ! mon ami, les admirables mots que vous possédez là ! Où diable en avez-vous fait collection ?


– À Belle-Île. Aramis les expliquait à l’architecte.


– Ah ! très bien ! Revenons à la glace, cher ami.


– Alors, ce brave M. Volière…


– Molière.


– Oui, Molière, c’est juste. Vous allez voir, mon cher ami, que voilà maintenant que je vais trop me souvenir de son nom. Ce brave M. Molière se mit donc à tracer avec un peu de blanc d’Espagne des lignes sur le miroir, le tout en suivant le dessin de mes bras et de mes épaules, et cela tout en professant cette maxime que je trouvai admirable : « Il faut qu’un habit ne gêne pas celui qui le porte. »