Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 88


– En effet, dit d’Artagnan, voilà une belle maxime, qui n’est pas toujours mise en pratique.


– C’est pour cela que je la trouvai d’autant plus étonnante, surtout lorsqu’il la développa.


– Ah ! Il développa cette maxime ?


– Parbleu !

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– Voyons le développement.


« – Attendu, continua-t-il, que l’on peut, dans une circonstance difficile, ou dans une situation gênante, avoir son habit sur l’épaule, et désirer ne pas ôter son habit… »


– C’est vrai, dit d’Artagnan.


« – Ainsi », continua M. Volière…


– Molière !


– Molière, oui. « Ainsi continua M. Molière, vous avez besoin de tirer l’épée, monsieur, et vous avez votre habit sur le dos.

Comment faites-vous ?


« – Je l’ôte, répondis-je.


« – Eh bien, non, répondit-il à son tour.


« – Comment ! non ?


« – Je dis qu’il faut que l’habit soit si bien fait, qu’il ne vous gêne aucunement, même pour tirer l’épée.


« – Ah ! ah !


« – Mettez-vous en garde », poursuivit-il. J’y tombai avec un si merveilleux aplomb, que deux carreaux de la fenêtre en sautèrent.

« Ce n’est rien, ce n’est rien, dit-il, restez comme cela. » Je levai le bras gauche en l’air, l’avant-bras plié gracieusement, la manchette rabattue et le poignet circonflexe, tandis que le bras droit à demi étendu garantissait la ceinture avec le coude, et la poitrine avec le poignet.

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– Oui, dit d’Artagnan, la vraie garde, la garde académique.


– Vous avez dit le mot, cher ami. Pendant ce temps, Volière…


– Molière !


– Tenez, décidément, mon cher ami, j’aime mieux l’appeler…

Comment avez-vous dit son autre nom ?


– Poquelin.


– J’aime mieux l’appeler Poquelin.


– Et comment vous souviendrez-vous mieux de ce nom que de l’autre ?


– Vous comprenez… Il s’appelle Poquelin, n’est-ce pas ?


– Oui.


– Je me rappellerai madame Coquenard.


– Bon.


– Je changerai Coque en Poque, nard en lin, et au lieu de Coquenard, j’aurai Poquelin.


– C’est merveilleux ! s’écria d’Artagnan abasourdi… Allez, mon ami, je vous écoute avec admiration.


– Ce Coquelin esquissa donc mon bras sur le miroir.


– Poquelin. Pardon.


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– Comment ai-je donc dit ?


– Vous avez dit Coquelin.


– Ah ! c’est juste. Ce Poquelin esquissa donc mon bras sur le miroir ; mais il y mit le temps ; il me regardait beaucoup ; le fait est que j’étais très beau. « Cela vous fatigue ? demanda-t-il. – Un peu, répondis-je en pliant sur les jarrets ; cependant le peux tenir encore une heure. – Non, non, je ne le souffrirai pas ! Nous avons ici des garçons complaisants qui se feront un devoir de vous soutenir les bras, comme autrefois on soutenait ceux des prophètes quand ils invoquaient le Seigneur. – Très bien ! répondis-je. – Cela ne vous humiliera pas ? – Mon ami, lui dis-je, il y a, je le crois, une grande différence entre être soutenu et être mesuré. »