Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 89


– La distinction est pleine de sens, interrompit d’Artagnan.


– Alors, continua Porthos, il fit un signe ; deux garçons s’approchèrent ; l’un me soutint le bras gauche, tandis que l’autre, avec infiniment d’adresse, me soutenait le bras droit.


« – Un troisième garçon ! dit-il.


« Un troisième garçon s’approcha.


« – Soutenez les reins de monsieur, dit-il.


« Le garçon me soutint les reins. »


– De sorte que vous posiez ? demanda d’Artagnan.


– Absolument, et Poquenard me dessinait sur la glace.


– Poquelin, mon ami.


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– Poquelin, vous avez raison. Tenez, décidément, j’aime encore mieux l’appeler Volière.


– Oui, et que ce soit fini, n’est-ce pas ?


– Pendant ce temps-là, Volière me dessinait sur la glace.


– C’était galant.


– J’aime fort cette méthode : elle est respectueuse et met chacun à sa place.


– Et cela se termina ?…


– Sans que personne m’eût touché, mon ami.


– Excepté les trois garçons qui vous soutenaient ?


– Sans doute ; mais je vous ai déjà exposé, je crois, la différence qu’il y a entre soutenir et mesurer.


– C’est vrai, répondit d’Artagnan, qui se dit ensuite à lui-même

: Ma foi ! ou je me trompe fort, ou j’ai valu là une bonne aubaine à ce coquin de Molière, et nous en verrons bien certainement la scène tirée au naturel dans quelque comédie.


Porthos souriait.


– Quelle chose vous fait rire ? lui demanda d’Artagnan.


– Faut-il vous l’avouer ? Eh bien, je ris de ce que j’ai tant de bonheur.


– Oh ! cela, c’est vrai ; je ne connais pas d’homme plus heureux que vous. Mais quel est le nouveau bonheur qui vous arrive ?

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– Eh bien, mon cher, félicitez-moi.


– Je ne demande pas mieux.


– Il paraît que je suis le premier à qui l’on ait pris mesure de cette façon-là.


– Vous en êtes sûr ?


– À peu près. Certains signes d’intelligence échangés entre Volière et les autres garçons me l’ont bien indiqué.


– Eh bien, mon cher ami, cela ne me surprend pas de la part de Molière.


– Volière, mon ami !


– Oh ! non, non, par exemple ! je veux bien vous laisser dire Volière à vous ; mais je continuerai, moi, à dire Molière. Eh bien, cela, disais-je donc, ne m’étonne point de la part de Molière qui est un garçon ingénieux, et à qui vous avez inspiré cette belle idée.


– Elle lui servira plus tard, j’en suis sûr.


– Comment donc, si elle lui servira ! Je le crois bien, qu’elle lui servira, et même beaucoup ! Car, voyez-vous, mon ami, Molière est, de tous nos tailleurs connus, celui qui habille le mieux nos barons, nos comtes et nos marquis… à leur mesure.