Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 90


Sur ce mot, dont nous ne discuterons ni l’à-propos ni la profondeur, d’Artagnan et Porthos sortirent de chez maître Percerin et rejoignirent leur carrosse. Nous les y laisserons, s’il plaît au lecteur, pour revenir auprès de Molière et d’Aramis à Saint-Mandé.


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Chapitre CCXII – La ruche, les abeilles et le miel L’évêque de Vannes, fort marri d’avoir rencontré d’Artagnan chez maître Percerin, revint d’assez mauvaise humeur à Saint-Mandé.


Molière, au contraire, tout enchanté d’avoir trouvé un si bon croquis à faire, et de savoir où retrouver l’original, quand du croquis il voudrait faire un tableau, Molière y rentra de la plus joyeuse humeur.


Tout le premier étage, du côté gauche, était occupé par les épicuriens les plus célèbres dans Paris et les plus familiers dans la maison, employés chacun dans son compartiment, comme des abeilles dans leurs alvéoles, à produire un miel destiné au gâteau royal que M. Fouquet comptait servir à Sa Majesté Louis XIV

pendant la fête de Vaux.


Pélisson, la tête dans sa main, creusait les fondations du prologue des Fâcheux, comédie en trois actes, que devait faire représenter Poquelin de Molière, comme disait d’Artagnan, et Coquelin de Volière, comme disait Porthos.


Loret, dans toute la naïveté de son état de gazetier, les gazetiers de tout temps ont été naïfs, Loret composait le récit des fêtes de Vaux avant que ces fêtes eussent eu lieu.


La Fontaine vaguait au milieu des uns et des autres, ombre égarée, distraite, gênante, insupportable, qui bourdonnait et susurrait à l’épaule de chacun mille inepties poétiques. Il gêna tant de fois Pélisson, que celui-ci, relevant la tête avec humeur.


– Au moins, La Fontaine, dit-il, cueillez-moi une rime, puisque vous dites que vous vous promenez dans les jardins du Parnasse.

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– Quelle rime voulez-vous ? demanda le fablier, comme l’appelait madame de Sévigné.


– Je veux une rime à lumière.


Ornière, répondit La Fontaine.


– Eh ! mon cher ami, impossible de parler d’ornières quand on vante les délices de Vaux dit Loret.


– D’ailleurs, cela ne rime pas, répondit Pélisson.


– Comment ! cela ne rime pas ? s’écria La Fontaine surpris.


– Oui, vous avez une détestable habitude mon cher ; habitude qui vous empêchera toujours d’être un poète de premier ordre.

Vous rimez lâchement !


– Oh ! oh ! vous trouvez, Pélisson ?


– Eh ! oui, mon cher, je trouve. Rappelez-vous qu’une rime n’est jamais bonne tant qu’il s’en peut trouver une meilleure.


– Alors, je n’écrirai plus jamais qu’en prose, dit La Fontaine, qui avait pris au sérieux le reproche de Pélisson. Ah ! je m’en étais souvent douté, que je n’étais qu’un maraud de poète ! oui, c’est la vérité pure.