– Enfin, monsieur, dit tout à coup Mme de Saint-Remy, comment avez vous fait pour obtenir cette charge ?
– Je l'ai demandée madame.
– À qui ?
– À un de mes amis.
– Et vous avez des amis assez bien en cour pour vous donner de pareilles preuves de crédit ?
– Dame ! il paraît.
– Et peut-on savoir le nom de ces amis ?
– 90 –
– Je n'ai pas dit que j'eusse plusieurs amis madame, j'ai dit un ami.
– Et cet ami s'appelle ?
– Peste ! madame, comme vous y allez ! Quand on a un ami aussi puissant que le mien, on ne le produit pas comme cela au grand jour pour qu'on vous le vole.
– Vous avez raison, monsieur, de taire le nom de cet ami car je crois qu'il vous serait difficile de le dire.
– En tout cas, dit Montalais, si l'ami n'existe pas, le brevet existe, et voilà qui tranche la question.
– Alors je conçois, dit Mme de Saint-Remy avec le sourire gracieux du chat qui va griffer, quand j'ai trouvé Monsieur chez vous tout à l'heure…
– Eh bien ?
– Il vous apportait votre brevet.
– Justement, madame, vous avez deviné.
– Mais c'était on ne peut plus moral, alors.
– Je le crois, madame.
– Et j'ai eu tort, à ce qu'il paraît, de vous faire des reproches, mademoiselle.
– Très grand tort, madame ; mais je suis tellement habituée à vos reproches, que je vous les pardonne.
– En ce cas, allons-nous-en, Louise ; nous n'avons plus qu'à nous retirer. Eh bien ?
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– Madame ! fit La Vallière en tressaillant, vous dites ?
– Tu n'écoutais pas, à ce qu'il paraît, mon enfant ?
– Non, madame, je pensais.
– Et à quoi ?
– À mille choses.
– Tu ne m'en veux pas au moins, Louise ? s'écria Montalais lui pressant la main.
– Et de quoi t'en voudrais-je, ma chère Aure ? répondit la jeune fille avec sa voix douce comme une musique.
– Dame ! reprit Mme de Saint-Remy, quand elle vous en voudrait un peu, pauvre enfant ! elle n'aurait pas tout à fait tort.
– Et pourquoi m'en voudrait-elle, bon Dieu ?
– Il me semble qu'elle est d'aussi bonne famille et aussi jolie que vous.
– Ma mère ! s'écria Louise.
– Plus jolie cent fois, madame ; de meilleure famille, non ; mais cela ne me dit point pourquoi Louise doit m'en vouloir.
– Croyez-vous donc que ce soit amusant pour elle de s'enterrer à Blois quand vous allez briller à Paris ?
– Mais, madame, ce n'est point moi qui empêche Louise de m'y suivre, à Paris ; au contraire, je serais certes bien heureuse qu'elle y vînt.
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– Mais il me semble que M. Malicorne, qui est tout-puissant à la cour…
– Ah ! tant pis, madame, fit Malicorne, chacun pour soi en ce pauvre monde.
– Malicorne ! fit Montalais.