Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 88

– Rentrez votre épée, dit Raoul ; vous savez bien que, pendant le voyage que nous accomplissons, toute démonstration de ce genre serait inutile. Rentrez votre épée, mais aussi rentrez votre langue.

Pourquoi mettez-vous dans le cœur de celui que vous nommez votre ami tout le fiel qui ronge le vôtre ? À moi, vous voulez faire haïr un honnête homme, ami de mon père et des miens ! Au comte, vous voulez faire aimer une femme destinée à votre maître ! En vérité, monsieur, vous seriez un traître et un lâche à mes yeux, si, bien plus justement, je ne vous regardais comme un fou.

– Monsieur, s'écria de Wardes exaspéré, je ne m'étais donc pas trompé en vous appelant un pédagogue ! Ce ton que vous affectez, cette forme dont vous faites la vôtre, est celle d'un jésuite fouetteur et non celle d'un gentilhomme Quittez donc, je vous prie, vis-à-vis de moi, cette forme et ce ton. Je hais M. d'Artagnan parce qu'il a commis une lâcheté envers mon père.

– Vous mentez, monsieur, dit froidement Raoul.

– Oh ! s'écria de Wardes, vous me donnez un démenti, monsieur ?

– Pourquoi pas, si ce que vous dites est faux ?

– Vous me donnez un démenti et vous ne mettez pas l'épée à la main ?

– Monsieur, je me suis promis à moi-même de ne vous tuer que lorsque nous aurons remis Madame à son époux.

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– Me tuer ? oh ! votre poignée de verges ne tue point ainsi, monsieur le pédant.

– Non, répliqua froidement Raoul, mais l'épée de M. d'Artagnan tue ; et non seulement j'ai cette épée, monsieur, mais c'est lui qui m'a appris à m'en servir, et c'est avec cette épée, monsieur, que je vengerai, en temps utile, son nom outragé par vous.

– Monsieur, monsieur ! s'écria de Wardes, prenez garde ! Si vous ne me rendez pas raison sur-le-champ, tous les moyens me seront bons pour me venger !

– Oh ! Oh ! monsieur ! fit Buckingham en apparaissant tout à coup sur le théâtre de la scène, voilà une menace qui frise l'assassinat, et qui, par conséquent, est d'assez mauvais goût pour un gentilhomme.

– Vous dites, monsieur le duc ? dit de Wardes en se retournant.

– Je dis que vous venez de prononcer des paroles qui sonnent mal à mes oreilles anglaises.

– Eh bien ! monsieur, si ce que vous dites est vrai, s'écria de Wardes exaspéré, tant mieux ! je trouverai au moins en vous un homme qui ne me glissera pas entre les doigts. Prenez donc mes paroles comme vous l'entendez.

– Je les prends comme il faut, monsieur, répondit Buckingham avec ce ton hautain qui lui était particulier et qui donnait, même dans la conversation ordinaire, le ton de défi à ce qu'il disait ; M. de Bragelonne est mon ami, vous insultez M. de Bragelonne, vous me rendrez raison de cette insulte.