Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 89

De Wardes jeta un regard sur Bragelonne, qui, fidèle à son rôle, demeurait calme et froid, même devant le défi du duc.

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– Et d'abord, il paraît que je n'insulte pas M. de Bragelonne, puisque M. de Bragelonne, qui a une épée au côté, ne se regarde pas comme insulté.

– Mais, enfin, vous insultez quelqu'un ?

– Oui, j'insulte M. d'Artagnan, reprit de Wardes, qui avait remarqué que ce nom était le seul aiguillon avec lequel il pût éveiller la colère de Raoul.

– Alors, dit Buckingham, c'est autre chose.

– N'est-ce pas ? dit de Wardes. C'est donc aux amis de M. d’Artagnan de le défendre.

– Je suis tout à fait de votre avis, monsieur, répondit l'Anglais, qui avait retrouvé tout son flegme ; pour M. de Bragelonne offensé, je ne pouvais, raisonnablement, prendre le parti de M. de Bragelonne, puisqu'il est là ; mais dès qu'il est question de M. d'Artagnan…

– Vous me laissez la place, n'est-ce pas, monsieur ? dit de Wardes.

– Non pas, au contraire, je dégaine, dit Buckingham en tirant son épée du fourreau, car si M. d'Artagnan a offensé monsieur votre père, il a rendu ou, du moins, il a tenté de rendre un grand service au mien.

De Wardes fit un mouvement de stupeur.

– M. d'Artagnan, poursuivit Buckingham, est le plus galant gentilhomme que je connaisse. Je serai donc enchanté, lui ayant des obligations personnelles, de vous les payer, à vous, d'un coup d'épée.

Et, en même temps, Buckingham tira gracieusement son épée, salua Raoul et se mit en garde.

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De Wardes fit un pas pour croiser le fer.

– Là ! là ! messieurs, dit Raoul en s'avançant et en posant à son tour son épée nue entre les combattants, tout cela ne vaut pas la peine qu'on s'égorge presque aux yeux de la princesse.

M. de Wardes dit du mal de M. d'Artagnan, mais il ne connaît même pas M. d'Artagnan.

– Oh ! oh ! fit de Wardes en grinçant des dents et en abaissant la pointe de son épée sur le bout de sa botte ; vous dites que moi, je ne connais pas M. d'Artagnan ?

– Eh ! non, vous ne le connaissez pas, reprit froidement Raoul, et même vous ignorez où il est.

– Moi ! j'ignore où il est ?

– Sans doute, il faut bien que cela soit ainsi, puisque vous cherchez, à son propos, querelle à des étrangers, au lieu d'aller trouver M. d'Artagnan où il est.

De Wardes pâlit.

– Eh bien ! je vais vous le dire, moi, monsieur, où il est, continua Raoul ; M. d'Artagnan est à Paris ; il loge au Louvre quand il est de service, rue des Lombards quand il ne l'est pas ; M. d'Artagnan est parfaitement trouvable à l'un ou l'autre de ces deux domiciles ; donc, ayant tous les griefs que vous avez contre lui, vous n'êtes point un galant homme en ne l'allant point quérir, pour qu'il vous donne la satisfaction que vous semblez demander à tout le monde, excepté à lui.