Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 90

De Wardes essuya son front ruisselant de sueur.

– Fi ! monsieur de Wardes, continua Raoul, il ne sied point d'être ainsi ferrailleur quand nous avons des édits contre les duels.

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Songez-y : le roi nous en voudrait de notre désobéissance, surtout dans un pareil moment, et le roi aurait raison.

– Excuses ! murmura de Wardes, prétextes !

– Allons donc, reprit Raoul, vous dites là des billevesées, mon cher monsieur de Wardes ; vous savez bien que M. le duc de Buckingham est un galant homme qui a tiré l'épée dix fois et qui se battra bien onze. Il porte un nom qui oblige, que diable ! Quant à moi, n'est-ce pas ? vous savez bien que je me bats aussi. Je me suis battu à Lens, à Bléneau, aux Dunes, en avant des canonniers, à cent pas en avant de la ligne, tandis que vous, par parenthèse, vous étiez à cent pas en arrière. Il est vrai que là-bas il y avait beaucoup trop de monde pour que l'on vît votre bravoure, c'est pourquoi vous la cachiez ; mais ici ce serait un spectacle, un scandale, vous voulez faire parler de vous, n'importe de quelle façon. Eh bien ! ne comptez pas sur moi, monsieur de Wardes, pour vous aider dans ce projet, je ne vous donnerai pas ce plaisir.

– Ceci est plein de raison, dit Buckingham en rengainant son épée, et je vous demande pardon, monsieur de Bragelonne, de m'être laissé entraîner à un premier mouvement.

Mais, au contraire, de Wardes furieux fit un bond en avant, et l'épée haute, menaçant Raoul, qui n'eut que le temps d'arriver à une parade de quarte.

– Eh ! monsieur, dit tranquillement Bragelonne, prenez donc garde, vous allez m'éborgner.

– Mais vous ne voulez pas vous battre ! s'écria M. de Wardes.

– Non, pas pour le moment ; mais voilà ce que je vous promets aussitôt notre arrivée à Paris : je vous mènerai à M. d'Artagnan, auquel vous conterez les griefs que vous pourrez avoir contre lui.

M. d'Artagnan demandera au roi la permission de vous allonger un coup d'épée, le roi la lui accordera, et, le coup d'épée reçu, eh bien !

mon cher monsieur de Wardes, vous considérerez d'un œil plus

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calme les préceptes de l'Évangile qui commandent l'oubli des injures.

– Ah ! s'écria de Wardes furieux de ce sang-froid, on voit bien que vous êtes à moitié bâtard, monsieur de Bragelonne !

Raoul devint pâle comme le col de sa chemise ; son œil lança un éclair qui fit reculer de Wardes.

Buckingham lui-même en fut ébloui, et se jeta entre les deux adversaires, qu'il s'attendait à voir se précipiter l'un sur l'autre. De Wardes avait réservé cette injure pour la dernière ; il serrait convulsivement son épée et attendait le choc.