Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 95

Peut-être allait-il répondre, mais en ce moment de Guiche quittait le carrosse pour se rapprocher du prince. De loin, il avait vu le prince et le chevalier, et il semblait, l'oreille inquiète, chercher à deviner les paroles qui venaient d'être échangées entre Monsieur et son favori.

Ce dernier, soit perfidie, soit impudence, ne prit pas la peine de dissimuler.

– Comte, dit-il, vous êtes de bon goût.

– Merci du compliment, répondit de Guiche ; mais à quel propos me dites vous cela ?

– Dame ! j'en appelle à Son Altesse.

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– Sans doute, dit Monsieur, et Guiche sait bien que je pense qu'il est parfait cavalier.

– Ceci posé, je reprends, comte ; vous êtes auprès de Madame depuis huit jours, n'est-ce pas ?

– Sans doute, répondit de Guiche rougissant malgré lui.

– Et bien ! dites-nous franchement ce que vous pensez de sa personne.

– De sa personne ? reprit de Guiche stupéfait.

– Oui, de sa personne, de son esprit, d'elle, enfin…

Étourdi de cette question, de Guiche hésita à répondre.

– Allons donc ! allons donc, de Guiche ! reprit le chevalier en riant, dis ce que tu penses, sois franc : Monsieur l'ordonne.

– Oui, oui, sois franc, dit le prince.

De Guiche balbutia quelques mots inintelligibles.

– Je sais bien que c'est délicat, reprit Monsieur ; mais, enfin, tu sais qu'on peut tout me dire, à moi. Comment la trouves-tu ?

Pour cacher ce qui se passait en lui, de Guiche eut recours à la seule défense qui soit au pouvoir de l'homme surpris : il mentit.

– Je ne trouve Madame, dit-il, ni bien ni mal, mais cependant mieux que mal.

– Eh ! cher comte, s'écria le chevalier, vous qui aviez fait tant d'extases et de cris à la vue de son portrait !

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De Guiche rougit jusqu'aux oreilles. Heureusement son cheval un peu vif lui servit, par un écart, à dissimuler cette rougeur.

– Le portrait !… murmura-t-il en se rapprochant, quel portrait ?

Le chevalier ne l'avait pas quitté du regard.

– Oui, le portrait. La miniature n'était-elle donc pas ressem-blante ?

– Je ne sais. J'ai oublié ce portrait ; il s'est effacé de mon esprit.

– Il avait fait pourtant sur vous une bien vive impression, dit le chevalier.

– C'est possible.

– A-t-elle de l'esprit, au moins ? demanda le duc.

– Je le crois, monseigneur.

– Et M. de Buckingham, en a-t-il ? dit le chevalier.

– Je ne sais.

– Moi, je suis d'avis qu'il en a, répliqua le chevalier, car il fait rire Madame, et elle paraît prendre beaucoup de plaisir en sa socié-

té, ce qui n'arrive jamais à une femme d'esprit quand elle se trouve dans la compagnie d'un sot.