Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 99

– Cela se conçoit, dit Raoul. Je connais Manicamp capable de tuer l'homme assez malheureux pour commettre le crime que vous avez à vous reprocher à ses yeux, mais je réparerai le mal vis-à-vis de vous ; j'agrafe mon manteau, et je suis prêt à vous servir de guide et d'introducteur.

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Chapitre LXXXIX – La surprise de mademoiselle

de Montalais

Madame fut mariée au Palais-Royal, dans la chapelle, devant un monde de courtisans sévèrement choisis.

Cependant, malgré la haute faveur qu'indiquait une invitation, Raoul, fidèle à sa promesse, fit entrer Malicorne, désireux de jouir de ce curieux coup d'œil.

Lorsqu'il eut acquitté cet engagement, Raoul se rapprocha de de Guiche, qui, pour contraste avec ses habits splendides, montrait un visage tellement bouleversé par la douleur, que le duc de Buckingham seul pouvait lui disputer l'excès de la pâleur et de l'abattement.

– Prends garde, comte, dit Raoul en s'approchant de son ami et en s'apprêtant à le soutenir au moment où l'archevêque bénissait les deux époux.

En effet, on voyait M. le prince de Condé regardant d'un œil curieux ces deux images de la désolation, debout comme des caria-tides aux deux côtés de la nef. Le comte s'observa plus soigneusement. La cérémonie terminée, le roi et la reine passèrent dans le grand salon, où ils se firent présenter Madame et sa suite.

On observa que le roi, qui avait paru très émerveillé à la vue de sa belle sœur, lui fit les compliments les plus sincères. On observa que la reine mère, attachant sur Buckingham un regard long et rê-

veur, se pencha vers Mme de Motteville pour lui dire :

– Ne trouvez-vous pas qu'il ressemble à son père ?

On observa enfin que Monsieur observait tout le monde et paraissait assez mécontent.

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Après la réception des princes et des ambassadeurs, Monsieur demanda au roi la permission de lui présenter, ainsi qu'à Madame, les personnes de sa maison nouvelle.

– Savez-vous, vicomte, demanda tout bas M. le prince à Raoul, si la maison a été formée par une personne de goût, et si nous aurons quelques visages assez propres ?

– Je l'ignore absolument, monseigneur, répondit Raoul.

– Oh ! vous jouez l'ignorance.

– Comment cela, monseigneur ?

– Vous êtes l'ami de de Guiche, qui est des amis du prince.

– C'est vrai, monseigneur : mais la chose ne m'intéressant point, je n'ai fait aucune question à de Guiche, et, de son côté, de Guiche, n'étant point interrogé, ne s'est point ouvert à moi.

– Mais Manicamp ?

– J'ai vu, il est vrai, M. de Manicamp au Havre et sur la route, mais j'ai eu soin d'être aussi peu questionneur vis-à-vis de lui que je l’avais été vis-à-vis de de Guiche. D'ailleurs, M. de Manicamp sait-il quelque chose de tout cela, lui qui n'est qu'un personnage secondaire ?