Le vicomte de Bragelonne. Tome 2 (Дюма) - страница 100

– Eh ! mon cher vicomte, d'où sortez-vous ? dit le prince ; mais ce sont les personnages secondaires qui, en pareille occasion, ont toute influence, et la preuve, c'est que presque tout s'est fait par la présentation de M. de Manicamp à de Guiche, et de Guiche à Monsieur.

– Eh bien ! monseigneur, j'ignorais cela complètement, dit Raoul, et c'est une nouvelle que Votre Altesse me fait l'honneur de m'apprendre.

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– Je veux bien vous croire, quoique ce soit incroyable, et d'ailleurs nous n'aurons pas longtemps à attendre : voici l'escadron volant qui s'avance, comme disait la bonne reine Catherine. Tudieu ! les jolis visages !

Une troupe de jeunes filles s'avançait en effet dans la salle sous la conduite de Mme de Navailles, et nous devons le dire à l'honneur de Manicamp, si en effet il avait pris à cette élection la part que lui accordait le prince de Condé, c'était un coup d'œil fait pour enchanter ceux qui, comme M. le prince, étaient appréciateurs de tous les genres de beauté.

Une jeune femme blonde, qui pouvait avoir vingt à vingt et un ans, et dont les grands yeux bleus dégageaient en s'ouvrant des flammes éblouissantes, marchait la première et fut présentée la première.

– Mlle de Tonnay-Charente, dit à Monsieur la vieille Mme de Navailles.

Et Monsieur répéta en saluant Madame :

– Mlle de Tonnay-Charente.

– Ah ! ah ! celle-ci me paraît assez agréable, dit M. le prince en se retournant vers Raoul… Et d'une.

– En effet, dit Raoul, elle est jolie, quoiqu'elle ait l'air un peu hautain.

– Bah ! nous connaissons ces airs-là, vicomte ; dans trois mois elle sera apprivoisée ; mais regardez donc, voici encore une beauté.

– Tiens, dit Raoul, et une beauté de ma connaissance même.

– Mlle Aure de Montalais, dit Mme de Navailles.

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Nom et prénom furent scrupuleusement répétés par Monsieur.

– Grand Dieu ! s'écria Raoul fixant des yeux effarés sur la porte d'entrée.

– Qu'y a-t-il ? demanda le prince, et serait-ce Mlle Aure de Montalais qui vous fait pousser un pareil grand Dieu ?

– Non, monseigneur, non, répondit Raoul tout pâle et tout tremblant.

– Alors si ce n'est Mlle Aure de Montalais, c'est cette charmante blonde qui la suit. De jolis yeux, ma foi ! un peu maigre, mais beaucoup de charme.

– Mlle de La Baume Le Blanc de La Vallière, dit Mme de Navailles.

À ce nom retentissant jusqu'au fond du cœur de Raoul, un nuage monta de sa poitrine à ses yeux.

De sorte qu'il ne vit plus rien et n'entendit plus rien ; de sorte que M. le prince, ne trouvant plus en lui qu'un écho muet à ses railleries, s'en alla voir de plus près les belles jeunes filles que son premier coup d’œil avait déjà détaillées.