Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 27


Et, avec le remords, la jalousie aiguillonnait vivement le cœur du roi. Il ne prononça plus une parole, et, au lieu d’aller chez sa mère, ou chez la reine, ou chez Madame pour s’égayer un peu et faire rire les dames, ainsi qu’il le disait lui-même, il se plongea dans le vaste fauteuil où Louis XIII, son auguste père, s’était tant ennuyé avec Baradas et Cinq-Mars pendant tant de jours et d’années.


De Saint-Aignan comprit que le roi n’était pas amusable en ce moment-là. Il hasarda la dernière ressource et prononça le nom de Louise. Le roi leva la tête.


– Que fera Votre Majesté ce soir ? Faut-il prévenir Mlle de La Vallière ?


– Dame ! il me semble qu’elle est prévenue, répondit le roi.


– Se promènera-t-on ?


– On sort de se promener, répliqua le roi.


– 58 –


– Eh bien ! Sire ?


– Eh bien ! rêvons, de Saint-Aignan, rêvons chacun de notre côté ; quand Mlle de La Vallière aura bien regretté ce qu’elle regrette le remords faisait son œuvre, eh bien ! alors, daignera-t-elle nous donner de ses nouvelles !


– Ah ! Sire, pouvez-vous ainsi méconnaître ce cœur dévoué ?


Le roi se leva rouge de dépit ; la jalousie mordait à son tour. De Saint-Aignan commençait à trouver la position difficile, quand la portière se leva. Le roi fit un brusque mouvement ; sa première idée fut qu’il lui arrivait un billet de La Vallière ; mais, à la place d’un messager d’amour, il ne vit que son capitaine des mousquetaires debout et muet dans l’embrasure.


– Monsieur d’Artagnan ! fit-il. Ah !… Eh bien ?


D’Artagnan regarda de Saint-Aignan. Les yeux du roi prirent la même direction que ceux de son capitaine. Ces regards eussent été clairs pour tout le monde ; à bien plus forte raison le furent-ils pour de Saint-Aignan. Le courtisan salua et sortit. Le roi et d’Artagnan se trouvèrent seuls.


– Est-ce fait ? demanda le roi.


– Oui, Sire, répondit le capitaine des mousquetaires d’une voix grave, c’est fait.


Le roi ne trouva plus un mot à dire. Cependant l’orgueil lui commandait de n’en pas rester là. Quand un roi a pris une décision, même injuste, il faut qu’il prouve à tous ceux qui la lui ont vu prendre, et surtout il faut qu’il se prouve à lui-même qu’il avait raison en la prenant. Il y a un moyen pour cela, un moyen presque infaillible, c’est de chercher des torts à la victime.


– 59 –


Louis, élevé par Mazarin et Anne d’Autriche, savait, mieux qu’aucun prince ne le sut jamais, son métier de roi. Aussi essaya-t-il de le prouver en cette occasion. Après un moment de silence, pendant lequel il avait fait tout bas les réflexions que nous venons de faire tout haut :