Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 72


– Et Mouston aurait-il négligé d’obéir à votre

recommandation ? Ah ! ah ! ce serait mal, Mouston !


– Au contraire, monsieur, au contraire !


– Non, il n’a pas oublié de se faire faire des habits, mais il a oublié de me prévenir qu’il engraissait.


– Dame ! ce n’est pas ma faute, monsieur, votre tailleur ne me l’a pas dit.


– De sorte, continua Porthos, que le drôle, depuis deux ans, a gagné dix-huit pouces de circonférence, et que mes douze derniers habits sont tous trop larges progressivement, d’un pied à un pied et demi.


– Mais les autres, ceux qui se rapprochent du temps où votre taille était la même ?


– Ils ne sont plus de mode, mon cher ami, et, si je les mettais, j’aurais l’air d’arriver de Siam et d’être hors de cour depuis deux ans.


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– Je comprends votre embarras. Vous avez combien d’habits neufs ? trente-six ? et vous n’en avez pas un ! Eh bien ! il faut en faire faire un trente-septième ; les trente-six autres seront pour Mouston.


– Ah ! monsieur ! dit Mouston d’un air satisfait, le fait est que Monsieur a toujours été bien bon pour moi.


– Parbleu ! croyez-vous que cette idée ne me soit pas venue ou que la dépense m’ait arrêté ? Mais il n’y a plus que deux jours d’ici à la fête de Vaux ; j’ai reçu l’invitation hier, j’ai fait venir Mouston en poste avec ma garde-robe ; je me suis aperçu du malheur qui m’arrivait ce matin seulement, et, d’ici à après-demain, il n’y a pas un tailleur un peu à la mode qui se charge de me confectionner un habit.


– C’est-à-dire un habit couvert d’or, n’est-ce pas ?


– J’en veux partout !


– Nous arrangerons cela. Vous ne partez que dans trois jours.

Les invitations sont pour mercredi et nous sommes le dimanche matin.


– C’est vrai ; mais Aramis m’a bien recommandé d’être à Vaux vingt quatre heures d’avance.


– Comment, Aramis ?


– Oui, c’est Aramis qui m’a apporté l’invitation.


– Ah ! fort bien, je comprends. Vous êtes invité du côté de M. Fouquet.


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– Non pas ! Du côté du roi, cher ami. Il y a sur le billet, en toutes lettres : « M. le baron du Vallon est prévenu que le roi a daigné le mettre sur la liste de ses invitations… »


– Très bien, mais c’est avec M. Fouquet que vous partez.


– Et quand je pense, s’écria Porthos en défonçant le parquet d’un coup de pied, quand je pense que je n’aurai pas d’habits ! J’en crève de colère ! Je voudrais bien étrangler quelqu’un ou déchirer quelque chose !


– N’étranglez personne et ne déchirez rien, Porthos, j’arrangerai tout cela : mettez un de vos trente-six habits et venez avec moi chez un tailleur.