Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 73


– Bah ! mon coureur les a tous vus depuis ce matin.


– Même M. Percerin ?


– Qu’est-ce que M. Percerin ?


– C’est le tailleur du roi, parbleu !


– Ah ! oui, oui, dit Porthos, qui voulait avoir l’air de connaître le tailleur du roi et qui entendait prononcer ce nom pour la première fois ; chez M. Percerin, le tailleur du roi, parbleu ! J’ai pensé qu’il serait trop occupé.


– Sans doute, il le sera trop ; mais, soyez tranquille, Porthos ; il fera pour moi ce qu’il ne ferait pas pour un autre. Seulement, il faudra que vous vous laissiez mesurer, mon ami.


– Ah ! fit Porthos, avec un soupir, c’est fâcheux ; mais, enfin, que voulez vous !


– 158 –


– Dame ! vous ferez comme les autres, mon cher ami ; vous ferez comme le roi.


– Comment ! on mesure aussi le roi ? Et il le souffre ?


– Le roi est coquet, mon cher, et vous aussi, vous l’êtes, quoi que vous en disiez.


Porthos sourit d’un air vainqueur.


– Allons donc chez le tailleur du roi ! dit-il, et puisqu’il mesure le roi, ma foi ! je puis bien, il me semble, me laisser mesurer par lui.


– 159 –


Chapitre CCIX – Ce que c'était que messire JeanPercerin


Le tailleur du roi, messire Jean Percerin, occupait une maison assez grande dans la rue Saint-Honoré, près de la rue de l’Arbre-Sec. C’était un homme qui avait le goût des belles étoffes, des belles broderies, des beaux velours, étant de père en fils tailleur du roi.

Cette succession remontait à Charles IX, auquel, comme on sait, remontaient souvent des fantaisies de bravoure assez difficiles à satisfaire.


Le Percerin de ce temps-là était un huguenot comme Ambroise Paré, et avait été épargné par la royne de Navarre, la belle Margot, comme on écrivait et comme on disait alors, et cela attendu qu’il était le seul qui eût jamais pu lui réussir ces merveilleux habits de cheval qu’elle aimait à porter, parce qu’ils étaient propres à dissimuler certains défauts anatomiques que la royne de Navarre cachait fort soigneusement.


Percerin, sauvé, avait fait, par reconnaissance, de beaux justes noirs, fort économiques pour la reine Catherine, laquelle finit par savoir bon gré de sa conservation au huguenot, à qui longtemps elle avait fait la mine. Mais Percerin était un homme prudent : il avait entendu dire que rien n’était plus dangereux pour un huguenot que les sourires de la reine Catherine ; et, ayant remarqué qu’elle lui souriait plus souvent que de coutume, il se hâta de se faire catholique avec toute sa famille, et, devenu irréprochable par cette conversion, il parvint à la haute position de tailleur maître de la couronne de France.