Le vicomte de Bragelonne. Tome IV (Дюма) - страница 75


– Cet homme-là, disait-il souvent, est hors de mon talent, et je ne saurais le voir dans le dessin de mes aiguilles.


Il va sans dire que Percerin était le tailleur de M. Fouquet, et que M. le surintendant le prisait fort.


M. Percerin avait près de quatre-vingts ans, et cependant il était vert encore, et si sec en même temps, disaient les courtisans, qu’il en était cassant. Sa renommée et sa fortune étaient assez grandes pour que M. le prince, ce roi des petits-maîtres, lui donnât le bras en causant costumes avec lui, et que les moins ardents à payer parmi les gens de cour n’osassent jamais laisser chez lui des comptes trop arriérés ; car maître Percerin faisait une fois des

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habits à crédit, mais jamais une seconde s’il n’était pas payé de la première.


On conçoit qu’un pareil tailleur, au lieu de courir après les pratiques, fût difficile à en recevoir de nouvelles. Aussi Percerin refusait d’habiller les bourgeois ou les anoblis trop récents. Le bruit courait même que M.

de

Mazarin, contre la fourniture

désintéressée d’un grand habit complet de cardinal en cérémonie, lui avait glissé, un beau jour, des lettres de noblesse dans sa poche.


Percerin avait de l’esprit et de la malice. On le disait fort égrillard. À quatre-vingts ans, il prenait encore d’une main ferme la mesure des corsages de femme.


C’est dans la maison de cet artiste grand seigneur que d’Artagnan conduisit le désolé Porthos.


Celui-ci, tout en marchant, disait à son ami :


– Prenez garde, mon cher d’Artagnan, prenez garde de commettre la dignité d’un homme comme moi avec l’arrogance de ce Percerin, qui doit être fort incivil ; car je vous préviens, cher ami, que s’il me manquait, je le châtierais.


– Présenté par moi, répondit d’Artagnan, vous n’avez rien à craindre, cher ami, fussiez-vous… ce que vous n’êtes pas.


– Ah ! c’est que…


– Quoi donc ? Auriez-vous quelque chose contre Percerin ?

Voyons, Porthos.


– Je crois que, dans le temps…


– Eh bien ! quoi, dans le temps ?


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– J’aurais envoyé Mousqueton chez un drôle de ce nom-là.


– Eh bien ! après ?


– Et que ce drôle aurait refusé de m’habiller.


– Oh ! un malentendu, sans doute, qu’il est urgent de redresser

; Mouston aura confondu.


– Peut-être.


– Il aura pris un nom pour un autre.


– C’est possible. Ce coquin de Mouston n’a jamais eu la mémoire des noms.


– Je me charge de tout cela.


– Fort bien.


– Faites arrêter le carrosse, Porthos ; c’est ici.


– C’est ici ?


– Oui.


– Comment, ici ? Nous sommes aux Halles, et vous m’avez dit que la maison était au coin de la rue de l’Arbre-Sec.